En déplacement officiel à Mayotte en compagnie de Marie Guévenoux, la nouvelle ministre déléguée chargée des Outre-mer, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a annoncé, dimanche 11 février, la fin du droit du sol à Mayotte, ce 101e département français bloqué par des barrages depuis trois semaines, et ce, pour endiguer la pression migratoire en provenance des Comores.
«Il ne sera plus possible de devenir français si on n’est pas soi-même enfant de parents français » a-t-il déclaré à l’AFP. La décision aurait été prise en concertation avec le président de la République et le gouvernement envisage donc de changer la Constitution. La fin du droit du sol est une mesure prônée par la droite et l’extrême droite, elle avait été proposée par Les Républicains et le Rassemblement National.
A ce sujet, l’historien Patrick Weil, spécialiste des questions d’immigration et de citoyenneté et directeur de recherches au CNRS, s’est alarmé auprès de l’AFP : « Faire un droit différencié – dans une partie du territoire donnée – en matière de nationalité, c’est tout à fait exceptionnel en République, régime fondé sur l’égalité des citoyens et l’unité du territoire. Mayotte a un statut de département, c’est une rupture très importante que de lui appliquer un statut différent ».
Dans un article intitulé « Fin du droit du sol à Mayotte : une rupture fondamentale « , notre partenaire Mediapart analyse qu’ « après sa tentative avortée d’instaurer une dose de préférence nationale en France dans la loi Immigration votée en décembre, l’exécutif s’en prend désormais frontalement à un autre totem de l’architecture juridique de notre pays, le droit du sol, qui fonde en France le droit de la nationalité depuis 1889 ».
Pour rappel, le droit du sol peut s’appliquer dès la naissance, explique le site Vie publique. Il existe deux cas pour lesquels cette règle fonctionne. « Un enfant né en France de deux parents apatrides, c’est-à-dire sans nationalité, devient automatiquement français« . Par ailleurs, « tout enfant né en France dont au moins un des parents est également né en France » devient français sans conditions. On parle alors de « double droit du sol ».
Photo de Une : Mayotte © Francis / Adobe Stock
10 commentaires
Principes d’indivisibilité de la république et d’égalité des citoyens devant la loi, bafoués pour prétendument enrayer l’immigration. La course à l’échalote avec les solutions xénophobes (foireuses) de l’extrême-droite se poursuit donc. Mayotte une future France de seconde zone. Au moins la Guyane, située juste après en terme de relégation et de carence de l’action publique, aura-t’elle été prévenue…
Et avant que le nain n’en face un département Français, naître sur un TOM donnait il droit du sol ? La départementalisation a t’elle accentué l’immigration comorienne ? Sarko, sa vie, son œuvre.
Ce serait intéressant de demander aux guyanais par référendum s’ils seraient favorable à l’extension de cette mesure dans notre département. Nous pourrions être surpris !
Et oui Jaguar. Une chance tout de même d’avoir deux députés dans la place, supposés être à l’écoute du peuple, qu’ils s’adressent à eux !
Mayotte est le fruit de cette partition ubuesque entre les Comores créée suite au référendum sur l’indépendance en 1976. La France a créé une situation dont elle paierait longtemps les conséquences. La départementalisation n’était que la cerise sur la gâteau.
Mayotte a été vendue à la France en 1841. Le statut de ce territoire est forcément différent des autres îles de l’archipel. Le rapport à la France également. Ce n’est pas la France qui décide du lien qui devrait exister ou non entre les îles et les populations de l’archipel. Ce sont bien les habitants qui ont voté et demandé plusieurs fois les mêmes choses.
Pour un autre sujet, découvrons-nous réellement qu’il n’y a d’indivisibilité que constitutionnelle ? C’est d’ailleurs amusant car dans le même temps, chaque territoire veut sa spécifité respectée…tout en voulant les subsides de l’État. Ça fait bien rire au vu de la gestion présentée par les chambres régionales ou territoriales des comptes.
« L’avantage d’une telle annonce tapageuse, qui contribue encore une fois à faire la courte-échelle aux idées racistes et xénophobes de la droite extrême et de l’extrême droite, réside dans ses coûts-bénéfices : un coût financier inexistant pour un bénéfice médiatique très élevé. L’État cherche ainsi, assez lâchement il faut le dire, à faire peser sur les épaules des migrants la responsabilité de ses propres échecs : pénurie d’eau, insécurité, services publics en berne. Le cheminement de Mayotte vers le droit commun de la République s’enlise depuis de nombreuses années, et la lenteur indubitable de mise en œuvre des droits sociaux suffirait à elle seule à le démontrer. La réforme de la Constitution aura beau changer le droit, elle n’aura aucun impact sur la réalité migratoire de personnes fuyant une situation de misère intenable.» (Davy Rimane – G1)
La France (43 000$ USD/Hab) s’est en effet offert un 101eme Département exotique, sans jamais y mettre les moyens dignes d’un territoire de la république (pénurie d’eau et de logements). Et malgré tout, Mayotte (11 000$ USD/Hab) c’est encore sept fois le PIB/Hab des Comores voisines (1 500$ USD/Hab).
Après la suppression du droit du sol inefficace, la solution consistera-t’elle donc à rabaisser le niveau de vie des mahorais à hauteur de celui des Comores, afin de poursuivre jusqu’au bout cette même logique à deux balles, impliquant de tarir l’appel d’air?
Cher Bellod, n’en déplaise aux xénophobes locaux, c’est exactement la même chose ici. La Guyane française, malgré les manques évidents d’investissements structurels de l’État, demeure le plus haut PIB/habitant du continent. Je ne vous fais pas le coup de la bourgeoisie la plus riche…lol. Paradoxalement, c’est aussi des investissements par habitant parmi les plus importants.
Nous sommes tout de même derrière l’Uruguay en principe. Mais oui, situation similaire à Mayotte en terme d’attractivité économique relative (avec notre PIB/Hab presque trois fois moindre qu’en métropole)… Ceci-dit, absolument rien de transcendant en terme d’investissements de l’Etat, sachant qu’en 2020 la Guyane est aux alentours de 10000€/Hab contre 8100€/Hab en métropole (source Cour des comptes 2022). Soit un niveau franchement similaire à la moyenne nationale si l’on tient compte du niveau des prix locaux dans tous les secteurs. Pour une région tellement sous-développée par rapport à la métropole. Investissements parmi les plus importants, il faut donc le dire très vite… Et concrètement avec l’accroissement des inégalités et de la paupérisation locales, on a donc surtout l’impression que l’Etat est en train de bien manquer le coche du rattrapage structurel en Guyane…Confère la résorption de l’habitat insalubre notamment, ou plus simplement du manque de logement (plus de 35 000 habitations spontanées en Guyane – Source Fondation Abbé Pierre 2023). L’Etat a donc beau jeu de se réfugier derrière l’argument de la criminalité sud-américaine…Quand les rouages essentiels de la machine à intégrer sont à ce point négligés…C’est tirer une balle dans le pied de la République. On ne fabrique pas du citoyen paisible en laissant se développer ce genre de ghettoïsation et paupérisation généralisée.
« le président du Sénat, Gérard Larcher, a souhaité jeudi 15 février ne « pas limiter » ce débat « seulement à Mayotte » et évoqué les cas de la Guyane et de l’île de Saint-Martin. » (Le monde / AFP – 15/02/2024)
Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps, avant que les vieux crabes de droite n’élargissent le « débat » xénophobe…