Dans une tribune publique du 14 janvier, le président de la Collectivité territoriale de Guyane réclame une modification de la Constitution pour rendre effective l’évolution statutaire de la Guyane, un des projets phares de l’exécutif guyanais.
« Le 7 septembre 2022 à l’Elysée, le Président de la République déclarait devant les exécutifs des outre-mer que les Territoires d’outre-mer étaient arrivés au bout d’un cycle et qu’il fallait changer de logiciel. Ces messages avaient été perçus comme une volonté sincère du Président de répondre, enfin, aux attentes des exécutifs qui sollicitaient un changement dans les relations entre Paris et les capitales de ces territoires éloignés. Depuis, c’est un très lourd silence qui accompagne les différentes demandes exprimées par ces territoires lointains » recontextualise-t-il en préambule de son analyse.
Depuis, la stratégie de co-construction initiée avec l’Etat par la CTG a montré ses limites, et ce, bien avant la dissolution ratée de l’Assemblée qui a ouvert une période d’instabilité politique. Malgré un avant-projet terminé côté guyanais, aucune négociation de fond n’est intervenue avec Paris pour l’inscription d’une autonomie de la Guyane dans la Constitution, au travers un titre XII bis, comme le souhaitent les élus guyanais.
Pourtant, selon Gabriel Serville, il est urgent que les territoires ultramarins « soient dotés d’institutions qui favorisent leur accès aux droits et libertés fondamentales au même titre que les autres citoyens de la République« . Ce que ne permet pas la rédaction actuelle de la Constitution de 1958 et son préambule.
Leur lecture « est édifiante puisqu’elle met en lumière une contradiction flagrante dans le sens où le premier alinéa évoque LE peuple français, tandis que le second évoque LES peuples des territoires d’outre-mer« , souligne le président de l’exécutif guyanais. « Cette rédaction laisse sous-entendre que ces derniers ne font pas partie du peuple français, et que ces habitants pourraient donc être assimilés à des citoyens de seconde zone, relevant par ailleurs de collectivités non abouties. (…) Il est regrettable que le préambule, clef de voûte de la Constitution, et qui doit être un socle inébranlable, montre autant de fragilités et d’approximations.«
Cette ambiguïté de rédaction n’est pas sans conséquence, d’après le président de la CTG, « quant à la manière dont sont gouvernés ces territoires d’outre-mer« . La relation entretenue avec Paris serait ainsi « empreinte d’une trop forte dose de paternalisme, et trop souvent teintée de relents d’un colonialisme que l’on croyait aboli. Les conséquences se lisent dans un sous-développement chronique, notamment du point de vue économique« .
Par conséquence, Gabriel Serville plaide pour « décolonialiser la rédaction de cette constitution de 1958« , rappelant que la Constitution a été modifiée 25 fois déjà entre 1958 et 2024. Ce ne sont donc pas les occasions qui ont manqué pour changer sa rédaction, alors que le second alinéa avait été rédigé pour mieux organiser les décolonisations des années 1960.
Dans ce contexte, il souhaite la reprise des négociations engagées avec l’ex-ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, en 2022, pour le projet de la Guyane d’évolution institutionnelle vers une autonomie inscrite dans la Constitution. Constitution qui devrait être modifiée en 2025 pour permettre aux projets autonomistes portés par les collectivités de Corse et de Nouvelle-Calédonie d’aboutir, comme l’a à nouveau assuré le Premier ministre François Bayrou, mardi, lors de son discours de politique générale.
Sans reprise de ces échanges avec le gouvernement, Gabriel Serville s’interroge quant à sa participation au prochain Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) « dont on sait que les conclusions, aussi intéressantes qu’elles pourraient être, ne seront jamais à la hauteur des espoirs portés par ses élus et sa population« .
Photo : Gabriel Serville souhaite relancer les négociations pour l’évolution statuaire de la Guyane, aujourd’hui au point mort © CTG
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