L’audience publique s’est tenue le mercredi 19 septembre 2018.
A l’issue de l’audience, la décision avait été mise en délibéré au mardi 25 septembre dernier.
Dans l’argumentation de sa décision, le juge des référés a d’abord rappelé qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision « .
Autrement dit : deux conditions sont nécessaires pour suspendre une décision administrative en référé : l’urgence et un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Le juge ne s’est penché que sur le «doute », soulevé par les associations, quant à la légalité du texte.
En rappelant, à chaque fois, au préalable, les dispositions contestées du décret d’expérimentation.
« En premier lieu, par dérogation au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les 2°, 3° et 6° de l’article 1er du décret du 23 mai 2018 imposent à l’étranger sollicitant l’asile en Guyane de se présenter en personne auprès d’un agent de l’Ofpra, d’une part, pour l’introduction de sa demande, l’étranger se faisant délivrer en main propre, lorsque son dossier est complet, la lettre d’introduction de sa demande et sa convocation à un entretien, d’autre part, pour la notification de la décision du directeur général de l’office qui lui est remise en main propre contre récépissé, la date à laquelle il doit se présenter pour cette notification lui étant indiquée par convocation remise lors de l’introduction de sa demande ou à l’issue de l’entretien. Le 6° de l’article 1er du décret attaqué précise que ‘La décision est réputée notifiée à la date à laquelle le demandeur a été convoqué si, sans motif légitime, il ne s’est pas présenté à cette convocation ‘ « , note ainsi le magistrat, en premier lieu, sur le sujet.
Ces modalités particulières de procédure ont été adoptées à titre expérimental pour faire face aux difficultés de notification par courrier postal en Guyane (Le juge des référés)
Et le juge de poursuivre : « S’il est vrai que ces dispositions obligent l’étranger sollicitant l’asile en Guyane à se présenter plusieurs fois à l’antenne locale de l’Ofpra, située à Cayenne, imposant dans certains cas plusieurs heures de trajet, il résulte cependant de l’instruction que ces modalités particulières de procédure ont été adoptées à titre expérimental pour faire face aux difficultés de notification par courrier postal en Guyane, et pour permettre d’accélérer et de fiabiliser les échanges avec les demandeurs. »
Et de souligner : « Ces dispositions prévoient, par ailleurs, que, si le demandeur ne se présente pas au rendez-vous qui lui a été fixé pour la notification en main propre de la décision du directeur général de l’office prise sur sa demande, il peut faire valoir un motif légitime justifiant son absence. Il appartiendra dans ce cas à l’office d’en apprécier la validité afin d’être en mesure d’informer le demandeur de la date à laquelle elle considère que la décision lui est notifiée. »
« Par suite, les moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur de droit ne sont pas propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des 2°, 3° et 6° de l’article 1er du décret. », a conclu le juge, écartant donc ce premier moyen des requérants, relatif au « doute sérieux « en matière de légalité de l’acte.
Ces délais ne sont cependant pas imposés sous peine de rejet, mais conduisent à la clôture d’examen de la demande, cette dernière pouvant être rouverte ou une demande de nouveau déposée dans un délai de neuf mois (Le juge des référés)
« En second lieu, en vertu de l’article L. 723-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ‘ L’office peut prendre une décision de clôture d’examen d’une demande dans les cas suivants : / 1° Le demandeur, sans motif légitime, n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais prévus par décret en Conseil d’Etat et courant à compter de la remise de son attestation de demande d’asile ou ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ; (…) ‘, ce délai étant fixé à vingt et un jours par l’article R. 723-1 du même code. En vertu des 1° et 4° de l’article 1er du décret du 23 mai 2018, ce délai est, dans le cadre de l’expérimentation contestée, ramené à sept jours, assorti d’un délai supplémentaire de trois jours pour compléter la demande. »
« Ces délais ne sont cependant pas imposés sous peine de rejet, mais conduisent à la clôture d’examen de la demande, cette dernière pouvant être rouverte ou une demande de nouveau déposée dans un délai de neuf mois en application des dispositions de l’article L. 723-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. », fait ensuite remarquer le juge.
« Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des objectifs de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 et du principe d’égalité ne sont pas propres à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces dispositions. », conclut-il.
6 commentaires
Le fonds du problème c’est bien le détournement de l’application du droit d’asile par les citoyens haïtiens rentrant illégalement en Guyane et qui avait trouvé ce moyen pour rester sur le territoire en percevant les indemnités liées à leur statut.
Effectivement très souvent leurs demandes étaient rejetés, mais comme ils pouvaient contester les décisions, les procédures duraient des années, si bien qu’au bout du compte ils restent.
Alors il faut comprendre que la réduction des délais de traitement est essentiellement motivé par l’objectif de rompre l' »appel d’air » ou l’effet d’aubaine de notre pays.
Comment donc ces associations font semblant de ne pas le reconnaitre ? Comment aussi leur combat si tel est leur souhait ne s’oriente pas sur une extension du droit d’asile pour motifs économiques ? Au moins leurs positions seraient moins ambigus.
Parfaite décision du juge.
On a trop souvent constaté que de nombreux demandeurs d’asile ne remplissent aucune des conditions d’octroi du droit d’asile.
Avec des délais longs, longs, longs et bien trop longs ils restent, s’installent (cf les squats), fondent éventuellement une (grande) famille et finalement ne repartent plus (alors que dès leur arrivée, ils n’avaient rien à faire en Guyane).
Une question demeure et elle a été posée dans un précédent article : un traitement plus rapide de la demande aura t il pour conséquence d’écourter les séjours ?
Pourquoi toutes ces associations ne vont ils pas aider les Haïtiens chez eux ?
De plus ils pourraient ramener ceux refusés et donc aider les gens (refusés en asile Française) de s’installer en Haiti.
J’ai vu un reportage TV, (je ne sais plus quelle chaine sur le sat) d’accord il doit y avoir de la misère, « mais elle est moins dure au soleil » merci Mr Aznavour, mais en regardant bien, les maisons en ville sont belles reconstruites, donc il y a des gens qui travail, les routes sans trou etc… il suffit d’être observateur sur ce type de reportage. Bien sur le reportage n’était pas, pour une fois, pour parler de la misère, donc il y a bien des gens qui ne sont pas malheureux dans ce pays d’Haiti, selon le reportage,.
Quelqu’un qui rentre sur le territoire sans autorisation commet un délit. Logiquement, on doit d’abord traiter ce délit.
Une demande d’asile devrait exclusivement pouvoir se faire dans le consulat français du pays d’origine du demandeur.
C’est comme si tu prends un mec assis dans ton fauteuil chez toi qui te demande si y pourrait pas rester quelques années !!! ça craint graaaaaaave !!!
FF
En réponse à votre question: un traitement plus rapide de la demande aura t il pour conséquence d’écourter les séjours ?
Mon analyse sur ce point est:
1) Cette nouvelle procédure ne concerne que les nouvelles demandes d’asile
2) L’objectif est de faire cesser, diminuer à mon sens les flux migratoires venant d’ Haiti essentiellement.
3) Concernant la durée des séjours suite au rejet des demandes d’asiles si l’Etat n’accompagne pas la reconduite, les demandeurs resteront comme c’est le cas des précédents demandeurs déboutés sur le territoire en situation illégale. Donc à mon sens pour répondre franchement à votre question la procédure mise en place est une demi mesure destinée à améliorer des statistiques.