Mardi 25 septembre dernier, un juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la requête de pas moins de 10 associations ou entités humanitaires qui contestaient le «décret Guyane», un décret du ministre de l’intérieur consacrant une expérimentation dont l’objectif clair est d’évacuer plus rapidement les demandes d’asile non fondées en Guyane et en, premier lieu, celles de ressortissants haïtiens qui représentaient près de 89% des demandes en 2017 (lire cet article pour plus de précisions)
L’an dernier, près de 97% des demandes instruites en Guyane (toutes nationalités confondues) avaient accouché de décisions de rejet.
Les associations protestataires considèrent que ce décret « est susceptible de placer les demandeurs d’asile de Guyane dans une situation d’extrême vulnérabilité. »
Guyaweb détaille l’intégralité de la décision du juge du Conseil d’Etat.
Le 29 août 2018, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, pas moins de 10 associations ou entités humanitaires avaient fait enregistrer une requête en référé contre le décret relatif à une expérimentation d’un traitement plus rapide des dossiers de demande d’asile en Guyane publié le 23 mai dernier.
Un arrêté du ministre de l’intérieur avait, par la suite, consacré, le 17 août 2018, l’entrée en vigueur du décret en Guyane à compter du 3 septembre pour une durée minimale de 18 mois.
Onze jours après l’arrêté du ministre déclenchant l’application du décret au 3 septembre suivant (et avant la date d’application effective) pas moins de 10 associations ou entités humanitaires : le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transexuelles à l’immigration et au séjour (ARDHIS), l’Action syndicale libre de l’office français des réfugiés et apatrides (ASYL-OFPRA), le Comité pour la santé des exilés (COMEDE), Dom’Asile, la Fédération des associations de solidarité avec tou(te)s les immigré(e)s (FASTI), le Groupe d’information et de soutien des immigré(e)s (GISTI), la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le Secours catholique- Caritas français (SCCF) demandaient sans tarder au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : d’une part, de de suspendre l’exécution du décret (…) du 23 mai 2018 portant expérimentation de certaines modalités de traitement des demandes d’asile en Guyane et, d’autre part, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (frais de procédure, ndlr).
Les associations requérantes avaient alors soulevé un certain nombre de moyens outre leur intérêt à agir contre le décret litigieux au regard de leur statut.
Il prévoit une réduction drastique des délais applicables à la procédure de demande d’asile susceptible de placer les demandeurs d’asile de la Guyane dans une situation d’extrême vulnérabilité
Les requérants considéraient en effet que d’une part : « la condition d’urgence est remplie dès lors que le décret litigieux, dont la mise en œuvre le 3 septembre 2018 est imminente, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les associations requérantes entendent défendre en ce qu’il prévoit une réduction drastique des délais applicables à la procédure de demande d’asile susceptible de placer les demandeurs d’asile de la Guyane dans une situation d’extrême vulnérabilité « et, d’autre part, qu’ « il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté « , les deux conditions sine qua none pour obtenir la suspension d’un acte administratif au sens de l’article L. 521-1.
Les associations regroupées par cette requête avaient alors argué en matière de « doute sérieux » quant à la légalité du décret que : « le décret contesté a été pris au terme d’une procédure irrégulière faute d’avoir été précédé de la consultation du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) », a d’abord rappelé le juge des référés, dans sa décision.
Elles soutenaient d’abord que le décret contesté « est entaché d’une erreur de droit » pour deux premières raisons.
« Il a été pris en application de l’article L. 723-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui méconnaît les objectifs et les dispositions de la directive (européenne) 2013/32/UE du 26 juin 2013 « , alléguaient d’abord les requérants
Il s’agit d’une directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.
Le décret contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (…) en instituant l’introduction, par dépôt en main propre, de la demande d’asile dans les locaux de l’Ofpra (à Cayenne) sans tenir compte des spécificités du territoire de la Guyane
« La réduction du délai, de 21 à 7 jours, pour introduire une demande d’asile, prévue par son article 1er, 1°, méconnaît tant le principe d’égalité que la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013. « , soutenaient ensuite les associations.
Les humanitaires arguaient par ailleurs que le décret contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation pour deux autres raisons : d’une part, « en instituant l’introduction, par dépôt en main propre, de la demande d’asile dans les locaux de l’Ofpra (à Cayenne, ndlr) sans tenir compte des spécificités du territoire de la Guyane. « .
Et, d’autre part : « dès lors qu’il méconnaît la marge d’appréciation accordée à l’Ofpra pour la détermination de la procédure à suivre « , estimaient encore les associations, toujours selon leur requête, synthétisée dans sa décision par le juge des référés.
Le texte contesté est encore, selon la requête des humanitaires, « entaché d’une erreur de droit en ce qu’il prévoit que la décision du directeur général de l’Ofpra est réputée notifiée quand bien même le demandeur d’asile ne s’est pas présenté à la convocation pour en recevoir notification en main propre ».
Et les associations de poursuivre au sujet dudit décret : « il a été pris en méconnaissance du droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 46-4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, en ce qu’il supprime le délai de distance (délai inhérent aux territoires d’outre-mer, ndlr) pour effectuer un recours contre les décisions de rejet de l’OFPRA devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sans tenir compte des spécificités du département et des modalités de dépôt d’une requête devant la CNDA. «
Et enfin, les associations de soutenir que le décret contesté : « méconnaît l’article 13 combiné à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il n’assure pas un équilibre entre, d’une part, l’impératif de traitement rapide et efficace des demandes d’asile et, d’autre part, la nécessité de garantir les droits fondamentaux des demandeurs d’asile, ainsi que les obligations nationales et internationales qui en découlent relatives à l’accès à une procédure équitable d’accès et de traitement des demandes d’asile en Guyane. »
Par un mémoire en défense, enregistré le (dimanche) 16 septembre 2018, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb avait conclu au rejet de la requête.
« Il soutient que, en premier lieu, l’ASYL (l’Action syndicale libre de l’office français des réfugiés et apatrides, ndlr) n’a pas intérêt à agir, en deuxième lieu, la condition d’urgence n’est pas remplie, en troisième lieu, le décret du 23 mai 2018 ne fait naître aucun doute sérieux quant à sa légalité et, en dernier lieu, les moyens des associations requérantes ne sont pas fondés. », a résumé le juge des référés dans sa décision, sans plus de précisions quant aux arguments développés par le ministre.
6 commentaires
Le fonds du problème c’est bien le détournement de l’application du droit d’asile par les citoyens haïtiens rentrant illégalement en Guyane et qui avait trouvé ce moyen pour rester sur le territoire en percevant les indemnités liées à leur statut.
Effectivement très souvent leurs demandes étaient rejetés, mais comme ils pouvaient contester les décisions, les procédures duraient des années, si bien qu’au bout du compte ils restent.
Alors il faut comprendre que la réduction des délais de traitement est essentiellement motivé par l’objectif de rompre l' »appel d’air » ou l’effet d’aubaine de notre pays.
Comment donc ces associations font semblant de ne pas le reconnaitre ? Comment aussi leur combat si tel est leur souhait ne s’oriente pas sur une extension du droit d’asile pour motifs économiques ? Au moins leurs positions seraient moins ambigus.
Parfaite décision du juge.
On a trop souvent constaté que de nombreux demandeurs d’asile ne remplissent aucune des conditions d’octroi du droit d’asile.
Avec des délais longs, longs, longs et bien trop longs ils restent, s’installent (cf les squats), fondent éventuellement une (grande) famille et finalement ne repartent plus (alors que dès leur arrivée, ils n’avaient rien à faire en Guyane).
Une question demeure et elle a été posée dans un précédent article : un traitement plus rapide de la demande aura t il pour conséquence d’écourter les séjours ?
Pourquoi toutes ces associations ne vont ils pas aider les Haïtiens chez eux ?
De plus ils pourraient ramener ceux refusés et donc aider les gens (refusés en asile Française) de s’installer en Haiti.
J’ai vu un reportage TV, (je ne sais plus quelle chaine sur le sat) d’accord il doit y avoir de la misère, « mais elle est moins dure au soleil » merci Mr Aznavour, mais en regardant bien, les maisons en ville sont belles reconstruites, donc il y a des gens qui travail, les routes sans trou etc… il suffit d’être observateur sur ce type de reportage. Bien sur le reportage n’était pas, pour une fois, pour parler de la misère, donc il y a bien des gens qui ne sont pas malheureux dans ce pays d’Haiti, selon le reportage,.
Quelqu’un qui rentre sur le territoire sans autorisation commet un délit. Logiquement, on doit d’abord traiter ce délit.
Une demande d’asile devrait exclusivement pouvoir se faire dans le consulat français du pays d’origine du demandeur.
C’est comme si tu prends un mec assis dans ton fauteuil chez toi qui te demande si y pourrait pas rester quelques années !!! ça craint graaaaaaave !!!
FF
En réponse à votre question: un traitement plus rapide de la demande aura t il pour conséquence d’écourter les séjours ?
Mon analyse sur ce point est:
1) Cette nouvelle procédure ne concerne que les nouvelles demandes d’asile
2) L’objectif est de faire cesser, diminuer à mon sens les flux migratoires venant d’ Haiti essentiellement.
3) Concernant la durée des séjours suite au rejet des demandes d’asiles si l’Etat n’accompagne pas la reconduite, les demandeurs resteront comme c’est le cas des précédents demandeurs déboutés sur le territoire en situation illégale. Donc à mon sens pour répondre franchement à votre question la procédure mise en place est une demi mesure destinée à améliorer des statistiques.