Lundi 17 Fevrier

Projet Sudmine : le CSG se positionne contre

Projet Sudmine : le CSG se positionne contre

Concerné par un projet minier d’exploitation alluvionnaire de coltan, près de Kourou, dont l’emprise empiète sur des terrains appartenant au Centre national d’études spatiales (CNES), le directeur du Centre Spatial Guyanais (CSG) s’est exprimé lundi 27 janvier sur ce sujet.

Invité par Guyaweb à se positionner sur le projet Sudmine – un projet d’exploitation alluvionnaire de colombo-tantalite ou « coltan », minerai hautement stratégique – Philippe Lier directeur du Centre Spatial Guyanais (CSG), a clairement fait part de son opposition lors d’une conférence de presse « bilan et perspectives » du Centre spatial guyanais.

« Nous n’avons jamais été consultés sur ce projet, ni par la préfecture, ni par le porteur Sudmine, ni par la presse. Mais notre avis est négatif » a-t-il déclaré. Pourtant, nous avions sollicité le Cnes à ce sujet à au moins deux reprises, sans jamais obtenir de réponse. C’est désormais chose faite.

Le Centre national d’études spatiales, notamment propriétaire de la Montagne des Singes, est directement concerné par l’emprise du projet qui, pour l’instant, n’en est qu’à une phase d’exploration.

La société française SAS Sudmine, qui le porte, a obtenu un premier permis exclusif de recherche en 2018 par le ministère de l’Economie. Dit « PER-M Kourou », il a autorisé l’exploration pendant trois ans d’une grande zone de 35,6 km² à l’entrée de Kourou, entre la RN1 et la route du Dégrad Saramaka.

Mais la crise Covid et les restrictions de déplacements n’ont pas permis à la société, détentrice de deux autres PER en Guyane sur la basse Mana et dans le secteur Voltaire près de Saint-Laurent-du-Maroni, d’aller au bout de ses recherches. Sudmine a donc demandé et obtenu en novembre 2023 la prolongation de ce permis de recherche près de Kourou, tout en réduisant de 25% le périmètre étudié.

Contesté en justice 

Trois mois plus tard, le projet est contesté en justice par Guyane nature environnement qui dépose un recours gracieux devant le tribunal administratif de Cayenne, prélude à un recours contentieux. Mais l’association n’est pas la seule à dénoncer les nombreux conflits d’usages que génèrerait une exploitation alluvionnaire dans cette zone.

La mairie de Kourou s’est prononcée contre. Tout comme la Compagnie des guides de Guyane qui y voit des similitudes avec le projet aurifère AEX Crique Nelson, objet d’une longue lutte judiciaire il y a quelques années. Les villageois kali’na de Kuwano sont également opposés à ce projet qui empiète sur leur Zone de droits d’usages collectifs (Zduc) « Couy ».

L’association agricole Agir.d et ses 320 adhérents, qui se battent depuis vingt ans pour obtenir les terrains Chawari sur lesquels ils ont créé des abattis, se retrouvent également dans l’emprise du projet minier. Selon l’association, cette zone intéresse l’entreprise car elle est « particulièrement bien desservie par un réseau de pistes forestières de 24 km ».

Contacté, GNE nous a confirmé que le recours déposé contre ce projet est toujours d’actualité. Le processus suit son cours devant le Tribunal administratif de Cayenne.

« 850 à 1 130 tonnes » de coltan en Guyane

Le gisement de Kourou est estimé à 200 tonnes de coltan exploitables, avec une concentration dans la roche importante, de l’ordre de 1000 à 5000 g par m³ selon un mémoire technique de Sudmine consulté par Guyaweb lors de l’enquête publique d’avril 2023.

Ce minerai, qui contient deux minéraux associés, la colombite et la tantalite, est utilisé dans l’industrie de la défense, dans l’aéronautique, les superalliages de l’industrie automobile, l’électronique ou encore le spatial d’après une fiche de « criticité » consultable sur Minéralinfo, le portail gouvernemental sur les ressources minières. Il est encore plus stratégique que l’or, catégorisé métal précieux quand le coltan est classé « matière première stratégique et critique » par la France.

« 850 à 1 130 tonnes » de coltan seraient présentes en Guyane selon le BRGM, alors que 80% des réserves mondiales se trouvent en République démocratique du Congo où la SAS Sudmine est présente. Ces réserves se concentrent notamment dans l’Est du pays et les régions du Sud et Nord Kivu, en proie depuis des années à des conflits sanglants entre groupes rebelles et armée nationale qui se battent, en partie, pour le contrôle de ces minerais stratégiques de plus en plus demandés. Les rebelles, soutenus par le Rwanda, sont d’ailleurs entrés dimanche dans Goma, la capitale du Sud Kivu, faisant craindre un conflit entre Etats dans la région.

En Guyane, le coltan a déjà été exploité entre 1969 et 1990, quatre-vingt-dix tonnes de colombo-tantalite ont été produites, principalement dans le Bas-Sinnamary au niveau de la crique Vénus. Un consortium minier à capitaux nord-américains a aussi exploité ce minerai dans la région sinnamarienne.

Alors que la demande mondiale augmente, le coltan attire à nouveau des industriels. Sudmine possède d’ailleurs deux autres permis d’exploration, dans l’Ouest guyanais : sur la basse Mana (48 km²) et près des chutes Voltaire, au Sud de Saint-Laurent, sur une surface de 34 km². Le premier permis a été prolongé en novembre 2023 en même temps que le PER-M Kourou, tandis que le second est en cours d’instruction selon nos informations, mais aucune prolongation n’est parue au Journal officiel jusqu’à présent.

Photo de Une : les différents conflits d’usages liés au projet de mine de coltan près de Kourou selon Guyane Nature Environnement © GNE

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20 commentaires

  • Bello973

    Le cours actuel étant de 65€ le kilo…On parle donc d’un gisement global pout toute la Guyane représentant environ 80 millions d’euros… Même pas 10% du budget annuel de la CTG. Aller faire chier les agoutis, les agriculteurs et les populations autochtones pour un tel projet industriel de ploucs…

  • Alerte

    Le développement économique ne se fait pas avec des agoutis.
    Il faut peut être penser aux retombées en matière d’emploi dans une région minée par le chômage et….la drogue.
    Tout est négociable avec un petit peu de volonté politique

  • bayaan

    Mouhouhaha!
    Il est vrai que l’industrie minière a tellement fait pour le dévellopement du Congo…

  • yayamadou

    Et non cher « alerte » tout n’est pas négociable, et la politique est bien trop corrompue. La qualité de l’eau potable, le maintient de la biodiversité et les avis unanimes, contre ce projet minier, font que ce n’est pas négociable. A l’heure de 49.3 à tout vat, si l’Etat veut, une fois de plus, passer en force, il aura face a lui, non pas des députés en costards cravates, mais la population guyanaise avec la détermination qu’on lui connait. Nous sommes prêt pour la bataille, sur tous les fronts. Faut il vous rappeler l’issue les projets cambior, montagne d’or, Nelson et bien d’autres?

  • Pokeur

    Et pourtant on pourrait faire du developpement économique avec des agoutis !
    Elevages destinés à la restauration… donc creations de filières d’elevages, d’abattage, de boucheries et donc créations d’emplois, ce qui en prime protegerais ceux qui se baladent en forêt…
    Un jour les guyanais comprendront que la mine (quelle que soit la ressource, or, coltan, petrole,…) n’enrichira jamais le territoire mais uniquement ceux qui sont à la tête de ces mines. Le venezuela à les plus gros stocks de petrole d’Amérique du sud, est-ce un pays riche ? L’uruguay exploite le cuivre, pays le plus pauvre d’Amérique du sud.
    Et je ne parles même pas de tous les pays africains où sévissent les miniers de tous bord.
    Regardez les PIB des pays, la France (pour donner une idée) 44691, Congo 2478. J’ai du mal à voir comment le Congo s’est enrichi avec le coltan en ayant le niveau de la France de 1972… Ghana 2260 et pourtant 127 tonnes d’or produites en 2023 (10 milliards € en gros), à quel moment ça profite au pays ?
    Il serait peut-être temps d’arreter de penser que d’enrichir 3 pelés 4 tondus fait la richesse d’un pays !
    La Guyane à du retard de développement, et il faut développer notamment du fait que la population connais une croissance enorme et que la population est jeune. Profitons en pour ne pas reproduire les erreurs faites ailleurs dans le monde ! Il y a tout à faire, mais choisissons bien pour le monde de demain. Preferez vous voir vos enfants travailler à la mine ou developper une industrie agroalimentaire basée sur l’elevage d’agoutis ?

  • Bello973

    D’accord avec le propos général Pokeur, mais il y a également le contre-exemple norvégien…
    avec un PIB par habitant au double de celui de la France…et auquel l’industrie pétrolière et gazière contribue fortement. Si les gros capitalistes en profitent là-aussi le plus, il faut bien admettre le principe de certaines retombées économiques, si l’on se fie à l’indice de gini plus faible (inégalités de revenus moindres) qu’en France.

  • Pokeur

    Bello, le PIB de la finlande est à moins de 54K/habitant et importait son gaz et petrole de Russie.
    Tu confonds avec la Norvege ;) dont le PIB est à 100k/habitant.
    52% du PIB est dominée par les services devant l’industrie 35% (essentiellement gaz et petrole). Et si les hydrocarbures représentent 32% des revenus de l’Etat c’est grace à une pression fiscale forte sur la production.

  • Bello973

    Qui a parlé de la Finlande ?

  • le Jaguar

    Pour garder le parallèle avec la Norvège, je doute que l’élevage d’agoutis puisse être aussi lucratif et créateur d’emplois que les fermes d’élevage de saumons. Plaisanterie mise à part, espérons que ce projet minier ne verra pas le jour.

  • Bello973

    Cela-dit, ne décourageons surtout pas les esprits créatifs…Si des personnes motivées veulent développer un Loeul et Piriot du lapin guyanais (la filière cunicole c’est plus de 30 000 ETP en métropole) pour produire de l’agouti made in France… Ils peuvent évidemment foncer. Ce sera toujours plus rentable et vertueux à long terme, qu’une petite mine de Coltan sans réel intérêt.

  • Bello973

    J’espère qu’on est du même avis sur ce point Jaguar…En vous préservant bien entendu comme toutes les autres espèces protégées.

    https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/le-combat-de-swan-meri-pour-obtenir-la-creation-d-une-filiere-d-elevage-d-animaux-sauvages-en-guyane-1352332.html

  • le Jaguar

    Par principe, je préfère voir les animaux sauvages dans leur milieu naturel plutôt que dans des cages ou des enclos mais bon, si c’est une alternative à la chasse, c’est peut être un mal nécessaire.

  • Pokeur

    Bello, tu avais pas dit Finlande ? bon je fatigue alors ^^
    Ca n’empeche pas que pour que ce soit rentable pour l’Etat/la région ça ne marche pas sans un impôt fort sur la production (et pas que à la pompe comme c’est le cas aujourd’hui..) ;)

    Le projet de Swann est toujours d’actualité et puisse-t-il y parvenir, parce que je préfère aussi, comme le Jaguar, les observer dans leur milieu naturel, mais la chasse représente une pression sur ces espèces et la demande de viande bois est là. L’elevage me semble une voie porteuse pour répondre à la demande en diminuant la pression sur la faune sauvage.
    Et donc créant de l’emploi agricole et les filiers qui en résultent (abbatage, boucherie, restauration, service, etc) mais aussi en conservant un attrait touristique pour l’observation de la faune sauvage dans son environnement, ce qui est aussi un marché en expansion avec de l’emploi.

  • Bello973

    D’un point de vue écologique, ça semble quand même un peu plus logique de domestiquer puis d’élever une espèce endémique telle que l’agouti, plutôt qu’une espèce importée comme le lapin élevé à Risquetout, par exemple. Non?

  • le Jaguar

    Concrètement la plupart, voir l’intégralité des espèces d’élevage présentent en Guyane ont été importées: bovins, ovins, porcins, volailles en tous genres. Le lapin en est une parmi d’autres.

  • Bello973

    Je crois saisir un l’idée…Mais corriger moi si je me trompe…Maintenant que nous sommes devenus écologiquement un peu plus vertueux, on ne va quand même pas refaire le coup du lapin et de la domestication aux agoutis sauvages qui en ont été préservés jusque là… Donc de facto, philosophiquement parlant l’élevage ne se justifierait plus que pour les espèces importées déjà domestiquées? Ce n’est pas un peu discriminant intellectuellement parlant? Pour les espèces animales, comme pour les populations locales, une fois de plus condamnées à s’insérer dans les normes (ici gustatives) de l’occident? Votre principe est donc un brin assimilationiste…si vous m’autorisez cette petite taquinerie. Car j’ai bien compris que vous n’êtes pas hermétique à l’idée, au moins pour préserver l’espèce sauvage de la pression cynégétique…toute relative ceci-dit, puisque officiellement l’espèce n’est pas menacée.

  • le Jaguar

    Je n’ai énoncé aucun principe, à fortiori assimilationiste, je répondais à votre intervention précédente que je ne trouvais pas pertinente. Franchement je ne sais pas s’il est plus logique d’un « point de vue écologique » d’élever des espèces endémiques que des espèces importées qui sont de toute façon déjà présentes sur le territoire. Pour le reste, n’appréciant ni le lapin ni l’agouti (d’un point de vue gustatif s’entend) , ce n’est pas un sujet sur lequel j’ai envie de débattre indéfiniment.

  • Bello973

    Je vous rejoins totalement sur l’intérêt gustatif relatif des deux viandes… Et puisque vous n’avez pas trop d’appétit je m’autorise à finir votre propre plat… Il ne faut pas toujours voir l’assimilation comme un gros mot. Du point de vue écologique il serait donc parfaitement logique de postuler que, puisqu’il y a déjà des espèces importées domestiquées vouées à l’élevage, inutile de reproduire une domestication sur une espèce sauvage pour le moment épargnée par cette forme d’accaparement du vivant par l’humain… Un sociologue pourrait renchérir en suggérant que le processus d’élevage est déjà en soi un mode opératoire occidental, et que donc promouvoir la domestication et l’élevage de l’agouti, relève aussi d’une logique d’assimilation. Préserver (par principe) ce qui est encore sauvage de la domestication et l’enfermement c’est bien un principe philosophique, et il semble parfaitement louable…Vous auriez donc à mon avis tort de ne pas le défendre un peu plus.
    Vous comptez finir votre dessert …?

  • Bloubiboulga

    Domestiquer l’agouti ? En voilà du projet à long terme… Ca a pris dans les 2000 ans pour le lapin de garenne. Et il avait un énorme avantage par rapport à l’agouti : son taux de reproduction. 1 à 2 petits par an pour l’agouti, contre jusqu’à 60 pour le lapin. Avec jusqu’à 7 portées par an, le lapin est donc domesticable jusqu’à 7 fois plus vite que l’agouti.
    Et même sans supputer sur le temps de domestication, je vous laisse imaginer le prix au Kg de l’agouti pour que l’élevage soit rentable. Ce ne sont pas ceux qui en mangent aujourd’hui qui changeront leurs habitudes et casseront leur PEL pour manger responsable.

  • Bello973

    On peut aussi entendre la domestication de façon plus prosaïque comme un asservissement de l’espèce animale…Et là, ça prend juste le temps de la construction d’un enclos et de la reproduction en captivité… Sur la rentabilité vous êtes en revanche beaucoup plus convaincant…Le Loeul et Piriot du lapin guyanais, pas assez chaud lapin en dépit de certains clichés, ça ne semble donc pas pour demain. Après, si quelques éleveurs passionnés beaucoup plus artisanaux, sont prêts à s’entendre avec quelques fins gourmets qui ont les moyens, pour tenter de faire sa fête à l’abouti domestique…Je trouve un poil délicat de ne pas les y autoriser…À plus forte raison, si en plus vous n’avez pas tort en pointant du doigt le très faible risque d’une dérive vers un élevage industriel, ne jurant que par la seule rentabilité.

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