Bien que l’une de ses sociétés minières, Gold’Or, ait été condamnée par la justice pour la pollution d’envergure d’une crique sur la commune de Mana, Carol Ostorero, ex-présidente de la Fédération des opérateurs miniers de Guyane (FedomG), a fait son entrée en janvier dans le conseil d’administration du Comité de l’eau et de la biodiversité (CEB). Une désignation qui interroge, hormis pour le président du comité, Patrick Lecante, qui assume avoir soutenu cette nomination au nom « de la pluralité des points de vue« .
L’information date un peu car elle était restée jusque-là sous les radars. Le 31 janvier dernier, à l’occasion du renouvellement du bureau du Comité de l’eau et de la biodiversité (CEB), l’organe chargé de l’animation du comité, deux nouvelles personnalités ont fait leur entrée. L’élue de la Collectivité Territoriale de Guyane Violaine Machichi-Prost, au titre du Parc naturel régional de Guyane (PNRG) dont elle est la 1ère vice-présidente, et l’ex-présidente de la Fédération des opérateurs miniers de Guyane (FedomG), Carol Ostorero, désignée par le syndicat patronal Medef pour le siège réservé aux acteurs économiques du territoire. Un poste non-rémunéré.
Depuis sa refonte en 2017 (le comité existait avant sous un autre nom), le comité regroupe des représentants des élus, des usagers, des personnalités qualifiées, des milieux socioprofessionnels et de l’État qui débattent et définissent les grands axes de la politique de l’eau et de la biodiversité en Guyane. Il est composé de 41 membres en assemblée plénière et fonctionne comme un « Parlement de l’eau et de la biodiversité consulté sur toutes les grandes questions se rapportant à ces deux thématiques en Guyane » précise son président Patrick Lecante, également maire de Montsinéry et 4e vice-président de la Communauté d’agglomération du centre littoral (CACL).
En revanche, son bureau, qui fait office de conseil d’administration, est beaucoup plus restreint. Y siègent le président du comité, la vice-présidente Ariane Fleurival, présidente du Conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Guyane (Ceseceg), l’Etat (DGTM ou Office de l’eau de Guyane), les vice-présidents des deux commissions thématiques « eau » et « biodiversité » – Stéphanie Raffestin, experte en microbiologie de l’Institut Pasteur, et Gérald Mannaerts, directeur de l’association Graine Guyane – et enfin Violaine Machichi-Prost (PNRG) et Carol Ostorero (acteurs économiques, Medef).
« Pas une question de légitimité »
L’entrepreneuse, figure de l’industrie minière en Guyane, était déjà membre du Comité de l’eau et de la biodiversité depuis 2021, mais n’était jusque-là pas membre du bureau exécutif. Grâce au soutien de son président Patrick Lecante, les miniers font donc leur entrée dans ce comité pour la première fois.
Au grand dam d’associations de défense de l’environnement, surprises de cette nomination validée par arrêté préfectoral au vu du « passif » de Carol Ostorero. En effet, l’orpailleuse, à la tête d’une dizaine de sociétés minières, a vu l’une d’entre elle – Gold’Or – être condamnée à trois reprises entre 2020 et 2024 pour la pollution intentionnelle d’une crique près de Mana en 2018 sur un site d’extraction minière. L’entreprise poursuivie au titre de la personne morale – Carol Ostorero n’est pas poursuivie personnellement dans cette affaire – a été condamnée en première instance en 2020, en appel en 2022, puis de nouveau en appel en 2024 après une première cassation demandée et obtenue par la défense en 2023.
Fin mars, la cour d’appel de Cayenne a de nouveau condamné Gold’Or pour « déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, d’autre part, de rejet en eau douce ou pisciculture de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire« . Lors de la réhabilitation du site minier exploité par Gold’Or, un bassin de rétention des boues avait été ouvert à la pelle mécanique et s’était déversé dans un canal de dérivation, qui lui-même s’était jeté dans la crique Kokioko. Les analyses de la turbidité de l’eau réalisées par l’Institut Pasteur ont relevé une turbidité de l’ordre de 171 470 mg par litre d’eau alors que le seuil légal fixé par l’Agence régionale de santé (ARS) est de 35 mg/L. La limite autorisée a ainsi été dépassée de 4 800 fois.
L’affaire n’est cependant pas définitivement close puisqu’après la dernière condamnation en appel en mars, Carol Ostorero et ses frères ont décidé de se pourvoir à nouveau en cassation, nous avait indiqué début mai par téléphone leur avocat, Me Jean-Yves Marcault-Dérouard.
Interrogé sur ces casseroles judiciaires, le président du Comité de l’eau, Patrick Lecante, assume sans aucun malaise son soutien à Carol Ostorero. « Ce n’est pas polémique pour moi, c’est même moi qui ai fait entrer madame Ostorero et la Fedomg au sein du CEB car nous avons besoin du retour d’expérience des miniers. Le territoire se vit dans sa globalité, avec ses contradictions, pour avoir tous les points de vue possibles et une vision transversale sur les sujets » justifie l’édile à la tête du comité depuis 2015.
« Le sujet avec Mme Ostorero c’est de savoir si en droit elle peut siéger ou pas, ce n’est pas une question de légitimité. Si la question du droit se pose un jour, on repensera à sa place au sein du bureau du CEB, mais pas pour l’instant.«
Photo de Une : Carol Ostorero a été présidente de la Fédération des opérateurs miniers de Guyane (FedomG) entre 2016 et 2023 © Marion Briswalter / Guyaweb
NB : Le titre de l’article a été mis à jour vendredi 14 juin 2024.
Dans le titre, le mot « triple » dans la mention « triple condamnation » a été supprimé car il porte à confusion.
En effet, il ne s’agit que d’une seule et même condamnation, même si elle a, de fait, été confirmée à trois reprises par les juridictions du fond.
2 commentaires
L’art de faire rentrer le loup dans la bergerie.
Les miniers au CA du Comité de l’eau et de la Biodiversité. Lol…..
Eux même qui impactent le plus le milieu aquatique et détruisent la biodiversité tout au long de leur activité.
Malheureusement le ridicule ne tue pas……
Au moins, elle a une certaine expérience de terrain quand il s’agit de pollution des cours d’eau et de destruction de la biodiversité…