Jeudi dernier en toute fin d’Assemblée plénière, les élus de la Collectivité territoriale ont voté pour un énième report du Congrès des élus qui doit se prononcer sur le projet d’évolution statutaire de la Guyane. La date du samedi 13 mai a été arrêtée.
Étape importante dans le processus d’évolution statutaire, la validation du projet politique par les élus de Guyane réunis en Congrès devra encore attendre.
En raison de l’absence annoncée d’au moins 20% des élus, le président de la Collectivité territoriale de Guyane a pris la décision de reporter, à nouveau, le Congrès. Ce dernier est repoussé d’une semaine par rapport à la dernière date retenue, le 6 mai, et devrait se tenir le samedi 13 mai.
« Il y a plein de manifestations ici et ailleurs donc beaucoup d’élus ne seront pas présents à la date du 6. Un cinquième des élus ne seront pas présents à l’heure d’aujourd’hui« , a justifié Gabriel Serville en fin d’assemblée plénière jeudi 20 avril, avant de soumettre au vote ce report d’une semaine.
Il s’agit du troisième ajournement du Congrès des élus, dont l’ordre du jour n’a cependant pas bougé. Le 13 mai donc, parlementaires, conseillers territoriaux et maires devront valider le Procès verbal du Congrès des élus du 26 mars 2022, date de relance du processus d’évolution statutaire ; analyser et valider le projet politique en amendant et entérinant l’avant-projet de document d’orientations, soit les travaux du Comité de pilotage (COPIL) ; approuver l’accord de méthode négocié en janvier avec le gouvernement.
Initialement prévu le 25 mars 2023, le congrès avait été reporté au 15 avril à la demande de l’Association des maires et du Grand conseil coutumier, qui ne s’estimaient pas assez au point. Puis devant la levée de boucliers des autorités coutumières à propos du Sénat coutumier, l’instance censée les représenter au sein de la future collectivité autonome, une nouvelle date avait été fixée : le 6 mai.
Les autorités autochtones, qui planchent sur l’écriture d’un document d’orientation politique, auront donc une semaine de plus pour finaliser leurs travaux.
Depuis le 25 mars, les représentants des communautés amérindiennes se sont réunis deux fois au village Bellevue d’Iracoubo et continuent leurs travaux pour créer les bases de ce qui sera la nouvelle « assemblée » ou « instance » qui représentera les autorités autochtones de Guyane lors de la création du futur territoire autonome. Une troisième séance de travail est prévue le 29 avril.
Photo de Une : Congrès des élus de janvier 2017 @ GUYAWEB
7 commentaires
« les représentants des communautés amérindiennes se sont réunis deux fois au village Bellevue d’Iracoubo et continuent leurs travaux pour créer les bases de ce qui sera la nouvelle « assemblée » ou « instance » qui représentera les autorités autochtones de Guyane »
Bellod va bien devoir admettre enfin que les autochtones de Guyane veulent mettre en place leur propre organisation représentative et décisionnaire telle que consacrée par le droit international, comme ils le réclament depuis les années 80.
Quelle place sera accordée à ces travaux lors du congrès de nos élus, toujours dans l’incapacité intellectuelle, idéologique et identitaire de reconnaitre ce droit, au même titre que l’État Français ?
On attend donc avec impatience le résultat de ces travaux, qui selon vos « révélations » Morvandiau, impliqueront donc l’exigence d’un sénat coutumier exclusivement amérindien, sans les communautés bushinenguées… Ce serait officiellement une première. Ambiance en perspective.
« Ce serait officiellement une première »
Pas en France en tout cas, comme le prouve le sénat coutumier Kanak dont l’avis est obligatoire sur tout projet de loi et délibération relatifs au statut civil coutumier, aux terres coutumières, aux signes identitaires. Et le sénat coutumier Kanak n’est composé que de Kanaks, dans le strict respect de la déclaration des nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Justement, en nouvelle Calédonie il y a bien un seul sénat coutumier et non deux. Or c’est cette supposée volonté de schisme identitaire au sein de l’institution coutumière, que vous nous annoncez (encore rien d’officiel ceci-dit) qui serait une première, par rapport à la gestion partagée multi-culturelle actuelle, au sein du GCC. Et la conséquence potentiellement induite de deux sénats coutumiers distincts, un pour les amérindiens, un autre pour les bushinengués, serait aussi une nouveauté.
L’avantage d’un sénat coutumier unique et « mixte », c’est justement qu’il représente les modes de vies coutumiers en général. Et non une famille ethnique spécifique. Or il est fort peu probable (litote) que le droit français accorde un réel privilège législatif à une composante ethnique exclusive, qui plus est lorsqu’elle représente moins de 5% de la population locale. La preuve, les kanaks ont beau être autochtones et majoritaires (majorité relative) en Nouvelle Calédonie, leur sénat coutumier, dont s’inspire directement celui du copil de la CTG, n’est au final que consultatif, y compris sur les sujets qui les concernent directement. Or justement, les communautés amérindiennes remettent surtout en cause cet avis uniquement consultatif. Elles espèrent un réel droit de véto législatif, susceptible de pouvoir bloquer (afin de réellement garantir leurs droits et leurs mode de vie) le pouvoir législatif issu de la représentation démocratique. Un tel privilège ne pouvant ici s’adosser à la légitimité numéraire, elles ne peuvent donc compter que sur la légitimité morale et symbolique.
Deux possibilités dés lors. En un, mettre en avant l’identité autochtone comme une sorte d’attribut de primauté justifiant ce privilège. Perdu d’avance, car si l’autochtonie peut théoriquement être un motif légitime de réparation, au sein d’un système de valeurs fondamentalement universaliste. Cela ne suffit pas à en faire un motif de renversement des valeurs suffisamment puissant, pour remettre en l’occurrence en question cet universalisme et égalitarisme dominateur. C’est assez simple à constater. Sur ses terres, à ce jour le peuple français ne reconnaît pas de suprématie législative particulière au citoyen Kanak. C’est juste un fait. Pourquoi l’accorderait-il davantage au citoyen amérindien? En deux, renoncer au levier périlleux de l’identité privilégiée, pour favoriser la stratégie du mode de vie ancestrale et coutumier. D’autant plus légitime qu’il recouvrirait des identités (ethnies) diverses et variées, ne prêtant ainsi pas le flanc à l’accusation d’exclusivité ou de division identitaire (ethnique), au sein de la république une et indivisible. Dés lors, le hiatus législatif n’opposerait donc plus des antagonismes identitaires, mais bien le mode de vie coutumier versus le mode de vie occidental dominant. Le peuple français serait-il prêt à envisager d’octroyer du pouvoir aux garants, divers et variés, d’un certain art de vivre ancestral dénué d’une trop grande prééminence identitaire, et dont personne ne se sentirait totalement exclu? Un privilège non pas pour l’être, mais pour la façon d’être? Un joker législatif aux seuls droits autochtones, ou à tous les droits coutumiers? L’une des deux aspirations semble plus réductrice que l’autre, et il y a donc très peu de chances qu’elle soit validée par les urnes ou les plus hautes institutions. Il appartient cependant aux principaux concernés de choisir la meilleure des deux stratégies, avec de toute façon une forte probabilité d’échec dans les deux cas.
Le grand conseil coutumier ne s’occupe réellement dans les faits, que des affaires amérindiennes. Cette institution est perçue, sans doute à raison, comme un simple prolongement du « bureau des populations primitives » des années 50, pensé et octroyé comme toujours par le pouvoir et la pensée occidentale.
Dans la grande sagesse et la dignité qui sont les leurs, les autorités bushinengués s’abstiennent de toute ingérence dans les affaires autochtones. D’ailleurs, sans doute en raison de la démographie, ils ne ressentent absolument pas le besoin d’avoir une institution pour défendre leurs intérêts et modes de vie.
Cette institution boiteuse ne convient à aucune des parties. Vous devriez le savoir depuis longtemps.
Depuis la proclamation des droits des peuples autochtones, les progrès arrivent plus ou moins rapidement dans toutes les sociétés concernées. Certains ont l’intelligence de comprendre tôt l’intérêt collectif et aussi humaniste, de confier aux premiers concernés la gestion intégrale et autonome des territoires autochtones, afin de préserver les modes de vie, mais également le milieu naturel. Ce dernier point fait désormais quasiment l’unanimité et fait intégralement partie des stratégies efficaces de protection durable de l’environnement.
D’autres, comme en Guyane ne peuvent sortir de la logique coloniale qui n’est plus en phase avec les enjeux humains d’aujourd’hui et de demain.
Le MDES, plus au moins aux rênes du pouvoir local (et de certains médias girouettes), accusait hier, dans une posture théâtrale de défense des amérindiens, la France de ne pas ratifier l’OIT169, mais est aujourd’hui viscéralement opposé à octroyer un quelconque droit ou pouvoir aux nations autochtones dans leur projet d’évolution statutaire.
Surprenant tout de même.
Pire, quand on voit nos députés MDES se prononcer ardemment en faveur d’un désenclavement Bolsonarien de la Guyane pour s’approprier les terres et richesses du « peuple Guyanais », les paroles de soutient à la cause autochtone distillées en même temps du bout des lèvres sont donc de nouvelles perles de pacotilles très cyniquement offertes…
D’ailleurs, la concomitance de ces propos, totalement incompatible l’un avec l’autre devrait vous faire sourciller, tout comme leur posture anti-capitaliste avec leur programme de développement économique basé sur l’extractivisme massif d’or et de pétrole…
Mais enfin, Bellod, pourriez vous me dire ce qui justifie de votre part une telle sympathie pour cette vision de l’avenir de la Guyane et un tel arc-boutement à l’idée de confier aux nations autochtones de Guyane les droits et les moyens de protéger non seulement leurs modes de vie mais aussi la forêt Guyanaise dans l’intérêt de tous ?
Restituer (une minuscule fraction) des territoires volés par la colonisation, cela n’a pourtant rien d’un privilège à accorder.
Être pour un sénat coutumier toujours mixte, c’est limiter volontairement par là le champ d’action à la seule expression consultative et donc justement faire barrage à la possibilité de reconnaissance et application du droit international en Guyane que seule une institution autochtone pourrait se prévaloir.
C’est aussi continuer à s’opposer à l’application des accords de Guyane dans la restitution des 400 000ha aux peuples autochtones : le grand conseil coutumier ayant prouvé son inaptitude légale à traiter cette question. Et là aussi, c’est seulement une institution autochtone et autonome qui pourra mettre en place cet accord et sa gestion foncière qui ne peuvent bien évidement pas être partagés avec d’autres populations non concernées.
On pourrait aussi évoquer le blocage sur les APA (protocole de Nagoya), qui serait levé si il existait un organisme autochtone.
Bref, si l’on regarde dans le sens du progrès, du droit, du socle historique et des enjeux environnementaux, la mise en place d’une institution autochtone de Guyane est tout simplement une évidence à soutenir.
Je n’ai pas trop saisi votre allusion à l’arc-boutement… Comme je l’ai déjà évoqué ailleurs, la restitution symbolique et morale d’au moins la moitié du foncier privé de l’Etat aux communautés amérindiennes (via des zduc, ou autres émanations beaucoup plus tangibles) me semblerait effectivement une belle idée. Peu probable hélas, vu l’arc-boutement de l’Etat sur son magot colonial.
« Être pour un sénat coutumier toujours mixte, c’est limiter volontairement par là le champ d’action à la seule expression consultative… ». Cette assertion ne tient pas la route, le bicamérisme législatif via un éventuel sénat coutumier, ne repose en rien sur une nécessité d’autochtonie exclusive. C’est la loi organique, et les institutions de la république qui sont seules aptes à définir la règle institutionnelle. Le droit international n’a rien à voir dans tout cela, et il ne fait jamais d’ingérence dans le fonctionnement institutionnel des États. Et encore une fois, c’est bien le sénat coutumier kanak 100% autochtone donc non mixte, qui est limité à un rôle consultatif. Vous faites donc un contresens. Et je note juste que la seule personnalité politique locale ayant réclamé un rôle qui ne soit pas uniquement consultatif, pour le sénat coutumier, appartient au mdes. Toutes les autres obédiences regardent ailleurs…Mais elles vous les laisser bizarrement tranquille. Pourtant un sénat coutumier contrôlant les lois impactant les terres coutumières des uns et des autres, ça n’a rien d’absurde. Sans nul besoin impérieux de cette spécificité identitaire qui vous obnubile tant.
« ils ne ressentent absolument pas le besoin d’avoir une institution pour défendre leurs intérêts et modes de vie. ». J’avais cru comprendre au contraire que c’est bien le rôle uniquement consultatif du sénat coutumier qui ne leur allait vraiment pas, à lire les revendications du 25 mars dernier. Vous me surprenez donc grandement en insinuant qu’ils ne verraient aucun intérêt à une institution telle qu’un sénat coutumier doté d’un pouvoir législatif. Et je suppose que chez les amérindiens les avis sont forcément divers et partagés,…aussi pardon mais votre « ils ne ressentent pas… » monolithique, fleure tout autant le paternalisme des années 50. Attendez au moins la position officielle des autorités autochtones.
« Être pour un sénat coutumier toujours mixte,…C’est aussi continuer à s’opposer à l’application des accords de Guyane dans la restitution des 400 000ha aux peuples autochtones ». La question du foncier à restituer n’est pas en lien direct avec le futur fonctionnement institutionnel (bicamérisme législatif via un éventuel sénat coutumier). Un outil législatif n’a pas vocation à acquérir et posséder du foncier. En outre, on ne comprend pas bien votre attente en parlant d’une inaptitude légale du GCC. Comment un organe consultatif totalement contrôlé financièrement par l’état, sans aucun pouvoir légal justement, pourrait-il enjoindre à l’Etat de restituer des terres? Et quand bien même la cession du foncier privé de l’Etat ne repose on le sait, que sur sa seule bonne volonté… Ce qui n’est pas gagné.
Vraiment hâte de voir ce qu’il ressortira des travaux des autorités autochtones sur ce sujet. J’espère juste qu’ils ne seront pas aussi brouillons que vos considérations.