Par voie de communiqué, dix-huit des vingt-sept députés ultramarins, dont Davy Rimane et Jean-Victor Castor, condamnent des propos sur l’esclavage et la colonisation tenus par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin.
À l’occasion du colloque Les Outre-mer aux avant-postes organisé par le journal Le Point jeudi 2 février à la Maison de l’Océan à Paris, Gérald Darmanin a déclaré : « C’est la République française qui a aboli l’esclavage (…). On demande donc (aux territoires ultramarins) d’aimer la République ». (…) « Il y a aux Antilles, en Guyane, un sentiment identitaire, de réaction, qui mérite d’être entendu mais qui (…) ne mérite pas d’être entendu comme la Nouvelle-Calédonie a le mérite d’être entendue parce que ce n’est pas la même histoire ».
En réaction à ces propos, les députés ultramarins dénoncent le « relativisme moral des puissances colonisatrices, persuadées d’apporter culture et savoir aux populations dont elles brimaient les capacités d’autodétermination en même temps qu’elles tuaient leur puissance créatrice« , auquel semble avoir succédé « une forme nouvelle de révisionnisme historique« .
« Si l’histoire coloniale est en effet plurielle dans sa réalisation, elle est une dans ses causes » écrivent les députés. « Nous tenons également à rappeler que l’abolition de l’esclavage est avant tout le fruit de la lutte de nos ancêtres, la consécration de tant de femmes et d’hommes aux vies sacrifiées, le résultat de la résistance constante des esclaves, contraints d’arracher leur liberté là où les décisions de la République mentionnée par Gérald Darmanin tardaient à être proclamées, et plus encore, à être appliquées« , poursuivent les signataires parmi lesquels figure Moetai Brotherson, député de Polynésie et président de la délégation Outre-mer à l’Assemblée nationale.
« Rappelons au ministre de l’Intérieur que nul ne colonise impunément : « partout où il y a colonisation, des peuples entiers ont été vidés de leur culture »« , insistent les députés, citant Aimé Césaire. « Les revendications identitaires sont au coeur du processus en cours de réappropriation des fondements culturels dont ils (les Ultramarins) ont tous été dépossédés ». La légitimité de ces revendications « n’a pas à être graduée« .
Surtout que cette même République « maintient nos territoires d’Outre-mer dans un état de sous-développement chronique et passe quasiment systématiquement sous silence les Outre-mer dans les projets de loi présentés au Parlement dessaisissant progressivement ce dernier de ses prérogatives » estiment les députés.
« Le président de la République prépare activement une nouvelle loi de programmation militaire, dotée de centaines de milliards d’euros destinés notamment à renforcer les forces dites « de souveraineté » en Outre-mer », mais il détourne « sciemment le regard lorsqu’il s’agit d’assurer des conditions de vie (et de retraite) décentes aux populations des territoires qui lui assurent son rang de deuxième puissance maritime mondiale ».
Le président de la CTG réagit aussi
Les propos de Gérald Darmanin ont également poussé le président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) à prendre la plume. Par voie de communiqué, Gabriel Serville s’est « étonné » d’une telle déclaration du ministre sur la « question de la réforme institutionnelle souhaitée par plusieurs territoires ultramarins alors même que le chef de l’État n’a cessé de légitimer cet élan« .
« À mon sens, l’heure est aujourd’hui à la mise en œuvre concertée des processus initiés par les territoires concernés et non plus à une analyse aussi obsolète que biaisée de ces initiatives, à fortiori lorsque celle-ci est faite selon un prisme qui place de facto son auteur dans une forme de déconnexion des réalités de nos territoires » écrit-il.
« La réforme institutionnelle n’est pas une affaire d’élus, mais bel et bien de territoires qui aspirent désormais à un statut différencié, adapté à leurs réalités, qui leur permettra enfin d’exploiter leur plein potentiel » conclut le communiqué du président de la CTG visant à défendre le processus d’évolution statutaire porté par sa mandature.
Photo de Une : Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, lors d’un déplacement en Guyane en octobre 2022 © Guyaweb
4 commentaires
Admirez l’ignorance! Cela rappelle Sarkosy pour qui l’Afrique n’avait pas d’histoire!
Le révisionnisme historique serait plutôt de croire que “ l’abolition de l’esclavage est avant tout le fruit de la lutte de nos ancêtres”
N’est pas marron qui veut .
C’est drôle mais personne n’a relevé lorsqu’il a aussi dit : “ Il ne faudrait pas que l’évolution institutionnelle soit un écran de fumée pour cacher l’ incompétence…”
Et toujours la même défense offusquée, la même réthorique anti colonialiste jusqu’à plus soif.
L’autonomie à laquelle nous adhérons tous ( car nous avons élu Serville) nous est vendue comme la solution ! Nous allons tous être propriétaire terriens, exploitants forestiers, miniers, pêcheurs, éleveurs, agriculteurs ( avec une main d’œuvre étrangère) en faisant fi des règles environnementales européennes qui nous brident. Nous allons devenir le Qatar de l’Europe !
Toutefois je ne suis pas sur qu’elle soit bien d’accord…
Les commentaires de Darmanin sont à l’image de ce personnage, cynique et arrogant, colonialiste. A l’image de son maître, tout aussi arrogant, cynique et brutal.