Un mois après sa nomination à la tête du gouvernement, le Premier ministre François Bayrou a dévoilé ce mardi devant les députés sa feuille de route, à l’occasion du discours de politique générale. Moins alarmiste que son prédécesseur Michel Barnier, le leader centriste a dessiné les grands chantiers à venir et souligné l’urgence d’adopter un budget.
Décontracté, n’hésitant pas à répondre aux invectives des député(e)s, le Premier ministre François Bayrou a détaillé les priorités de son gouvernement, ce mardi à la tribune de l’Assemblée nationale, dans son discours de politique générale.
« Quatre-vingt-quatre pour cent des Français jugent que le gouvernement ne passera pas l’année. Il m’arrive même de me demander où les 16% restant trouvent la source de leur optimisme, a-t-il attaqué non sans humour. Cette situation nous oblige au courage. »
Un mois après sa nomination à Matignon, cet exercice dessinant les grands chantiers à venir était attendu, alors que François Bayrou ne dispose pas d’un soutien plus large à l’Assemblée que son prédécesseur Michel Barnier, censuré au bout de trois mois. L’exercice de ce mardi devait au moins permettre de ne pas faire grimper le nombre de ses potentiels censeurs, question de survie.
Un rôle taillé pour le leader centriste, balloté entre la gauche et la droite depuis 20 ans. Le sixième Premier ministre d’Emmanuel Macron n’a cependant pas sollicité de vote de confiance au terme de son discours d’1h30. Trop risqué dans un hémicycle où le bloc présidentiel, même appuyé par la droite, n’a pas la majorité. Néanmoins, les différents groupes politiques pourront se positionner par rapport à ce nouveau gouvernement. Une motion de censure déposée par La France insoumise (LFI) sera mise au vote ce jeudi 16 janvier. Les socialistes ont d’ores et déjà annoncé qu’ils la voteraient.
Devant une assemblée turbulente, le Premier ministre a entamé son discours par la situation de la dette, qui atteint aujourd’hui 3 228 milliards d’euros. « Une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social », a estimé François Bayrou qui a placé sa réduction comme condition sine qua non pour le lancement de toute « politique de ressaisissement et de refondation ».
Mais la première priorité de François Bayrou ce mardi a été la réforme des retraites, dossier brûlant sur lequel il est engagé depuis une semaine dans des consultations avec la gauche, hors LFI. Le Premier ministre a annoncé « remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref, et dans des conditions transparentes », en se basant sur des chiffres fournis prochainement par la Cour des comptes. François Bayrou était attendu sur ce chapitre, alors que pour sceller un pacte de non-censure le PS exigeait une « suspension » de la réforme des retraites, avant une renégociation par les partenaires sociaux.
Concrètement, dès vendredi – si la motion de censure est rejetée – , « une délégation permanente sera créée » avec les représentants des partenaires sociaux afin de trouver « des voies de progrès » pour une « réforme plus juste ». Cette délégation devra œuvrer pour un accord d’équilibre. S’il est trouvé, « nous l’adopterons. Le Parlement en sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ou avant, et si nécessaire par une loi ». Si les partenaires sociaux ne s’accordaient pas, « c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer » a-t-il expliqué.
Budget, institutions, éducation…
François Bayrou a ensuite souligné l’urgence de faire adopter un budget. « Notre situation de blocage n’est pas seulement financière, mais aujourd’hui politique. Tous les secteurs d’interventions publiques sont entravés. Des milliers de recrutements sont suspendus, les aides à la Nouvelle-Calédonie empêchées » a-t-il déploré. « Au coeur de ce blocage, il y a notre incapacité à vivre le pluralisme.«
Sur la dette publique, le Premier ministre a réclamé des efforts, avec des budgets des ministères « redéfinis et repensés« . Il a maintenu « l’objectif de 3% de déficit public en 2029 », défini par son prédécesseur à Matignon, avec un objectif de « déficit public pour 2025 à 5,4% du PIB ».
Comme Michel Barnier, il a aussi affiché sa volonté de simplifier les normes. « Notre bureaucratie est trop lourde », a dénoncé François Bayrou, affirmant que le poids des normes coûtait en moyenne 4% de PIB chaque année. Il souhaite un « puissant mouvement de débureaucratisation ». Et un changement de paradigme : « Partout où cela sera possible nous inverserons la charge de la preuve : à l’administration de remplir les papiers, à l’usager de les vérifier. »
Sur le plan institutionnel, François Bayrou a remis sur la table la question de la réforme du mode de scrutin aux élections législatives, avec « l’adoption du principe proportionnel pour la représentation du peuple », une de ses demandes de longue date. Une revendication également ancienne du Rassemblement national. « Je propose que nous avancions » sur ce dossier, a appuyé François Bayrou.
L’ancien professeur agrégé de lettres classiques et ex-ministre de l’Éducation nationale (de 1993 à 1997) ne pouvait déclamer un discours de politique générale sans un mot pour son domaine de prédilection. « Comment accepter que l’École française, qui était la première du monde, se voit classée au rang qui est le sien aujourd’hui, en mathématiques comme en lecture ? » s’est-il interrogé, avant de remettre en question l’orientation précoce des élèves dans le système scolaire. « Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas à la même vitesse. (…) Parcoursup est une question » a-t-il avancé. François Bayrou souhaite également créer une « année d’articulation entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur », sans avoir détaillé davantage cette mesure.
Reprise des négociations politiques en Nouvelle-Calédonie
Sur le volet social, le Premier ministre a annoncé vouloir reprendre l’étude des cahiers de doléances rédigés dans le cadre du « Grand débat national » lancé par Emmanuel Macron pour répondre à la crise des Gilets jaunes.
Il a également formulé le souhait d’une « Europe solidaire » face aux menaces extérieures et intérêts divergents que portent « la Russie, la Chine, l’Iran, les États-Unis« .
Le chef du gouvernement a également fait plusieurs annonces sur l’immigration, estimant qu’elle est une « question de proportions » en prenant l’exemple de Mayotte. « Il est donc de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de renvoi dans leur pays de ceux dont la présence met en péril, par leur nombre, la cohésion de la nation. » Il a ensuite affirmé que le comité interministériel de contrôle de l’immigration sera réactivé pour permettre de fixer « les orientations de la politique gouvernementale en matière de contrôle des flux migratoires ».
Enfin, François Bayrou a annoncé la reprise en main du dossier néo-calédonien, après des mois de tergiversations dus à l’instabilité politique. « Je souhaite que le processus politique reprenne avec des négociations qui devront aboutir à la fin du trimestre. » Les forces politiques indépendantistes et « loyalistes » seront invitées à Paris fin janvier pour ouvrir ces négociations. Ces annonces corroborent celles de Davy Rimane, formulées lors de sa rentrée politique. Le député soulignait alors l’urgence pour la Guyane de s’engouffrer dans la brèche ouverte par la Nouvelle-Calédonie, qui doit bénéficier d’une révision de la Constitution.
Photo de Une : tant sur la révision du mode de scrutin que sur l’immigration ou la réforme des retraites, François Bayrou a cherché à ne froisser aucun camp lors de son discours de politique générale © Compte X François Bayrou
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