Dans un courrier du lundi 22 avril adressé au président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), le président de l’Association des maires de Guyane (AMG), Michel-Ange Jérémie, demande l’annulation du dernier vote du Congrès des élus relatif à la résolution autochtone dans le cadre de l’évolution statutaire, vicié par un mauvais décompte des voix. « Afin de lever toute suspicion (…), d’apaiser la situation et la rendre conforme« , le maire de Sinnamary demande de réunir à nouveau le Congrès.
Pour rappel, le vote favorable à la résolution amérindienne, samedi 13 avril, a été entaché d’erreurs dans le décompte des voix selon le groupe d’opposition « Unis et engagés pour notre territoire ». Vendredi 19 avril, Gabriel Serville a répondu à ces accusations. Tout en reconnaissant des erreurs dans le décompte final, le président de la CTG a à son tour dénoncé de fausses procurations de la part de l’opposition et confirmé le résultat positif en faveur de la résolution autochtone, dernière brique apposée à la maquette politique du projet d’évolution statuaire.
De son côté, l’AMG s’interroge sur l’analyse de l’exécutif de la CTG et se demande si ce dernier n’a pas « confondu procuration de vote et délégation de vote« .
« Dans le cas d’une délégation de vote, et à la condition naturellement que celle-ci soit prévue par les textes légaux ou par le règlement intérieur, le mandataire ne fait que porter le choix exprimé par le mandant. En revanche, dans le cadre d’une procuration – ce qui était le cas en l’espèce du document reçu avec la convocation – le mandant donne pouvoir à un mandataire pour prendre part au vote. Le sens du vote est donc le même entre le mandant et le mandataire » écrit l’Association des maires de Guyane.
En outre, l’AMG dénonce le fait qu’un « maire s’est vu en quelque sorte contraint de procéder à une intervention sur les réseaux sociaux pour manifester sa probité. C’est inacceptable car cela pourrait créer un fâcheux précédent ! » Le maire en question est celui de Régina : Pierre Désert. Ce sont ses deux procurations qui seraient entachées d’irrégularités car non signées de la main de l’ancien président du Conseil général entre 2004 et 2008. Étant maire ainsi que conseiller territorial, Pierre Désert dispose en effet de deux voix au Congrès des élus et donc de deux procurations en cas d’absence.
Ce dernier s’est expliqué dans une vidéo du groupe d’opposition « Unis et engagés pour notre territoire », aux côtés de Rodolphe Alexandre et Isabelle Patient, publiée samedi sur les réseaux sociaux. « Suite aux déclarations de M. Serville disant qu’il y a eu fraude sur les procurations, je peux affirmer que la procuration que j’ai remise était au nom de Georges Elfort et d’Albéric Benth. Je le confirme, je ne vois pas ce qu’il y a de frauduleux et conteste les allégations.«
Tout en apportant son soutien aux maires mis en cause, l’AMG envisage de saisir le procureur de la République au titre de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale « afin que toute la lumière soit faite sur le déroulement du vote du 13 avril dernier« .
Enfin, l’association rappelle la responsabilité du président de la CTG en sa qualité de président de séance : « vous étiez détenteur du pouvoir de police de cette réunion ; il vous appartenait donc : de contrôler en amont les procurations de vote que vous remettez aujourd’hui en cause ; de veiller à rétablir la sérénité propice au déroulement du scrutin.«
Photo de Une : le président de l’Association des maires de Guyane et édile de Sinnamary, Michel-Ange Jérémie, menace de saisir le procureur de la République afin de faire la lumière sur le vote contesté du dernier Congrès des élus © Guyaweb
18 commentaires
Bellod, je joue pour le coup exprès la provocation mais quand même : ce sont de grands enfants, non ?
Plus sérieusement, ça donne quand même assez peu de crédit aux représentants élus et ce, quelle que soit leur orientation politique.
Les enfantillages (et l’amateurisme en l’occurrence) ne sont pas le danger… Le vrai danger en politique c’est l’escroquerie. Depuis les jurisprudences Cahuzac, Guéant, Fillon, Balkany, Sarkozy…jusqu’au vil kompromat du maire de Saint-Erienne. Le crédit des représentants élus est de toutes façon sévèrement compromis partout… Là on est donc presque sur de l’anecdotique.
Je retiens pour l’instant, que même en gardant les deux procurations litigieuses de l’opposition, le vote en faveur de la résolution passe quand même… À quoi bon refaire le vote?
D’une certaine façon la sincérité du scrutin est entamée avec cet imbroglio. Serville a quand même attaqué la probité de certains alors que c’est le premier à crier au scandale dès qu’un soupçon plane sur lui.
Je ne suis pas juge, mais tous les présents lors du vote et ceux ayant donné procuration, ont finalement confirmé leur choix… À priori, c’était un problème de comptabilisation des procurations et des voix doubles pour les CT/Maire, qui a été rectifié après coup. Si, l’on refaisait le vote avec les mêmes, y compris en incluant les deux procurations litigieuses ramenant le scrutin à égalité, pourquoi le résultat serait-il différent que celui donnant la majorité (voix prépondérante de Serville en cas d’égalité) à l’adoption de la résolution? Où est la non sincérité?
Tout comme vous, je ne suis pas juge. Je suppute sur ce qui pourrait poser problème. Ça reste des hypothèses.
Les explications de Serville données sur FG:
« Des fautes ont notamment été commises sur le fait que certains maires cumulent un siège à l’assemblée territoriale et détiennent donc deux voix.
Après revérification, les votes sont à ce moment chamboulés, et arrivent à 32 voix pour, 34 contre et 7 abstentions. « Il se trouve qu’en analysant les procurations, on s’est rendu compte qu’un élu de l’opposition qui avait donné procuration pour voter pour…. a été comptabilisé contre », poursuit Gabriel Serville. Cela a été régularisé. Les voix se retrouvent ici virtuellement à une égalité de 33 pour et 33 contre. Dans ce cas de figure, la voix du président étant prépondérante, la résolution aurait été votée. L’élu du groupe d’opposition ayant voté pour, par procuration, est Akama Opoya. Unis et Engagé confie qu’il n’avait pas donné d’indications sur son souhait de vote avant le congrès. »
Akama Opoya, le conseiller d’opposition qui a voté « pour » par procuration, un choix qui s’est donc avéré déterminant à une voix près, est un autochtone. L’opposition explique qu’elle ne savait pas qu’il voulait voter pour la résolution autochtone…et elle s’est servit de sa voix pour voter contre. Lui, ne se trouvant pas être au nombre de ses rares autochtones jacobins assimilationnistes que vous avez pu croiser jadis, voulait en fait voter pour la résolution autochtone et son vote à donc été régularisé en ce sens.
Si les explications de Serville son fiable… (l’opposition ne semble pas vraiment les contester) et même en intégrant les deux procurations litigieuses de Désert, pour aller dans le sens de l’opposition et apaiser les tensions…Pour que le votre contre la résolution autochtone l’emporte il faudrait donc que le vote de Monsieur Apoya demeure comptabilisé contre, et que l’opposition trahisse donc la volonté de l’un de ses conseillers, autochtone…Un sacré symbole tout de même dans le contexte. Et que dire alors de la sincérité du scrutin…
Est-ce que l’opposition respecte et admet oui ou non la voix et le choix de son propre conseiller autochtone? That it’s the question… for the jacobins…
nota. Je suis franchement curieux de savoir si le choix « pour » de Monsieur Akama Opoya était écrit noir sur blanc (tous des jacobins de toute façon…) sur sa procuration.
Quand Serville dit: « « Il se trouve qu’en analysant les procurations, on s’est rendu compte qu’un élu de l’opposition qui avait donné procuration pour voter pour…. » …ils s’en sont rendu compte en le lisant sur la procuration ou en passant un coup de fil pour connaître le choix réel de l’élu?
Si Monsieur Reuge décroche l’info, cette fois-ci c’est ma tournée gmangier, je me désabonne et me réabonne à mon tour, pour soutenir le journal… 50€ pour récupérer le scan de la procuration de l’élu… Beau challenge.
…servi…sont fiables…ces… Incroyable ce relâchement dés que la police se relâche.
Rassurez-vous, il y en a d’autres…et ce n’est pas bien méchant.
Par contre je suis toujours admiratif de vos déductions : « Est-ce que l’opposition respecte et admet oui ou non la voix et le choix de son propre conseiller autochtone? That it’s the question… for the jacobins… »
C’est la question juste pour vous et dans la logique de votre déduction avec toujours une forme très partisane. Un avis quoi… :-)
D’ailleurs, je ne sais pas pour la CTG mais une procuration pour des élections classiques ne mentionne pas pour qui on vote. Traduction, on peut très bien se faire enfumer.
Enfumer ou ne pas respecter la voix de…On parle bien de la même chose.
Sinon je ne sais pas non plus pour les procurations de la CTG, c’est bien pour cela que je demande…En espérant pour l’opposition que votre suggestion soit la bonne. Sinon ce serait honteux…
Nul doute que si les maires, dans leur ensemble, étaient en faveur des revendications autochtones, ces histoires de comptes foireux ne leur aurait pas posé de problèmes dans ce cas de figure. Mais voilà, les maires de Guyane n’ont pas du tout envie de voir les autochtones obtenir une autonomie de gestion de leurs terres ancestrales. On le voit déjà avec les ZDUC, les maires s’y opposent à chaque commission foncière. Il y a donc une forte volonté à maintenir la spoliation foncière héritée de l’action coloniale.
Et il y a donc pas mal de monde maintenant qui veut refaire le match de l’adoption de la résolution autochtone. La probabilité que le résultat soit inversé est grand, et si l’AMG veut insister dans sa procédure, c’est parce qu’elle compte surement sur le ou les votes des élus abstentionnistes du dernier congrès. Car ce sont ces 7 abstentions qui ont décidé de l’issue du vote.
Et c’est bien là le problème : nous avons des élus unanimes à réclamer une émancipation de l’Etat volontiers qualifié de colonial, mais qui sont en revanche incapables de l’être lorsqu’il s’agit de conjurer et réparer très modestement la principale (et la plus meurtrière) action coloniale qui a eu lieu en Guyane.
Il faut également garder en mémoire que c’est obstination inédite des autochtones qui a permis ce vote, car il se dessinait la même chose que lors des précédents congrès ou projets d’évolution statutaire de ces 60 dernières années : aucune considération pour les peuples autochtones.
Tu es très caricatural Morvandiau, pour changer…Les élus de l’opposition et d’une grande partie de la majorité, ne sont pas du tout sur le registre de l’anticolonialisme… Le MDES est très isolé sur cette posture…
Sinon, il se dessinait peut-être…Mais au final ce jour là, les élus présents ont majoritairement fait preuve d’une considération bien réelle pour la cause autochtone, en votant pour leur résolution. Un fait incontestable…
Si tel est bien le cas (source FG – GG, 17 avril 2024) dommage que Laurent YAWALOU, maire de Camopi et membre de la communauté Wayapi, n’ait pas jugé utile de faire une procuration pour voter en faveur de la résolution autochtone, alors qu’il était absent au congrès le 13 avril dernier. L’un de ces rares autochtones jacobins dont nous a parlé gmangier? Là-aussi, ce serait intéressant de savoir pourquoi…Ceci-dit, l’autochtonie n’étant ni une philosophie ni une religion, il a parfaitement le droit d’avoir ses propres convictions…Pourvu que Morvandiau ne l’accuse pas de manque de considération, ou même pire de trahison…
Pour ce qui concerne les procurations de vote, le cas d’Akama OPOYA est pourtant clair : il donne procuration à un collègue pour voter à sa place, c’est le vote que ce collègue fait en séance qui compte. Depuis quand un président d’exécutif peut-il se permettre de retrancher des voix d’un vote en fonction de déclarations faites après la séance.
Quand on donne procuration à un mandant, c’est le vote de celui-ci qui compte, pas l’opinion que l’on exprime le lendemain.
Plus généralement, les chefs de groupe à la CTG, de l’opposition et de la majorité, devraient s’interroger sur le manque d’assiduité des élus de leur liste. Certaines Assemblée plénières ayant du mal à atteindre le quorum, notamment par l’absentéisme important du groupe présidentiel.
Il n’y a qu’une solution transparente possible : convoquer un congrès et refaire le vote dans des conditions de décompte des voix dignes d’une démocratie moderne, et non résultant d’une méthode proche du bonneteau…
« Chacun devrait s’imprégner de la règle d’or éthique : » ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse « . Et pour cause, cette délibération amérindienne est l’exact reflet par un effet miroir, de ce que les élus guyanais réclament à l’Etat français : un pouvoir local propre pour voter des lois Peyi, une spécialité législative puissante, un corps électoral spécial…. Par conséquent, on ne peut que féliciter ce choix éminemment politique, car il aurait été regrettable que l’histoire retienne que le premier acte fondateur du nouveau pays-territoire guyanais en construction, fût un » refus d’obstacle » de type jacobin et finalement un peu colonial de Guyanais face à d’autres Guyanais. » (Rémy-Louis Budoc dans une tribune sur FG)
Belle surprise. Comme quoi la droite locale n’est pas toujours aussi jacobine que l’on croit. Bravo Monsieur Budoc. Prends en de la graine Boris…
Nota. Boris Chong-sit se lança en politique en 2007 comme suppléant de RLB
Nouveau pays-territoire guyanais…comme c’est mignon comme terme.
J’aime bien la règle d’or éthique également. Tout cela est très poétique.
On se retrouve au zinc pour boire notre lait de licorne sous l’arc-en-ciel ?
Je vote pour vous dès que vous êtes candidat. Les idéalistes sont tellement sympathiques.
Vous vous attendrissez…Et il n’a pas eu à aller chercher le concept très très loin.
https://www.touteleurope.eu/l-europe-en-region/les-pays-et-territoires-d-outre-mer/
Alors désolé mais pays-territoire et pays et territoire ça n’a pas vraiment la même signification. La conjonction de coordination a tout son sens. Parce que les PTOM justement je les connaissais. C’est pour ça que je trouvais cette nouvelle expression si mignonne. Une volonté de faire du neuf côté guyanais. Alala quelle déception !
C’est toute la force d’un concept, il s’exonèrent aisément du type de liaison…
Exemple le concept du bar-tabac traduit clairement l’idée d’un lieu qui fait bar ET vend aussi du tabac… Le pays-territoire induit de la même façon facilement l’idée concomitante de pays et territoire, et inversement. Ça n’a franchement rien d’original comme raccourci. Simple contraction dans l’écriture… À moins que je ne manque totalement de sens poétique.