Les bras m’en tombent. Frédéric Farine, journaliste à Guyaweb, correspondant AFP Guyane depuis 10 ans, «n’est pas invité à la table du préfet» à l’occasion du déjeuner-presse ce mercredi 21 septembre.
Voilà ce que nous avons appris ce lundi matin par téléphone par la préfecture. Il s’agissait alors simplement de confirmer que notre média Guyaweb serait représenté lors du déjeuner de presse organisé mercredi 21 septembre à la résidence préfectorale située à Bourda. Notre média avait pour cela désigné ès qualité Frédéric Farine au lieu de Marion Briswalter. Celle-ci, ne travaillant pas mercredi, était invitée à ce déjeuner-presse par le préfet.
« Monsieur Farine n’est pas invité à la table du préfet. Le préfet choisit les journalistes qui seront à sa table » nous a rétorqué par téléphone ce lundi la responsable du bureau de la communication interministérielle de la préfecture de Cayenne.
Avant de justifier ce rejet – au regard de notre volonté de comprendre cette décision autoritaire, arbitraire et sans appel – par cette peu convaincante pirouette : «c’est aussi parce qu’il y aura trop d’hommes et pas assez de femmes».
Un parti-pris en violation de la liberté de la presse et incompatible avec la liberté d’un média de désigner ses propres représentants. Guyaweb alerte donc l’opinion publique sur ces pratiques inquiétantes de censure qui consistent à vouloir «choisir» ses interlocuteurs journalistes alors que seul le média nous semble habilité à le faire et doit demeurer meneur de jeu en la matière.
«La presse est la bienvenue quand elle ne dérange pas» a réagi notre confrère Frédéric Farine. « Je pense que certains de mes derniers articles sur la gestion de la question migratoire en Guyane n’ont pas dû être du goût du préfet» a t-il commenté. «Mais surtout, la préfecture de Guyane refusant de répondre aux questions de certains journalistes dans ce dossier (…) j’escomptais bien évidemment aborder ce sujet avec le préfet lors de ce déjeuner-presse dans deux jours.»
Guyaweb dénonce cette exclusion et considère que notre collaborateur doit être en mesure de remplir sans entrave son devoir d’information notamment en participant à ce déjeuner- presse le mercredi 21 septembre 2016.
Katia Leï-Sam, directrice de publication
22 commentaires
Katia,
Ca c’est le début d’une société totalitariste, tel que décrit par Huxley dans son roman 1984. C’est aussi une alerte à prendre très au sérieux à l’heure où les candidats à l’élection présidentielles sous prétexte de menaces terroristes réelles sont prêts à attenter aux libertés fondamentales des citoyens.
Et puis maintenant Guyaweb vous êtes un peu comme Mediapart ou Quotidien qui se vont refuser leurs accréditations au meeting de Marine Le Pen ce week end. Tiens tiens quand je parlais d’atteinte aux libertés, pas étonnant d’un parti fasciste plus curieux de la part d’un service d’Etat. Peut- être qu’ils ont muté la fonctionnaire de St Laurent qui raconte de grosse bêtises sur Facebook à leur service presse et qu’elle a recommencé ?
Évidement et vous l’avez compris, je vous soutiens et j’espère qu’ils reviendront sur leur bévue.
Petite rectification littéraire, si vous me le permettez : 1984 c’est de George Orwell, roman dans lequel il met en exergue une société contrôlée de manière totalitaire par un pouvoir omniscient (Big Brother). Aldous Huxley s’attache, quant à lui, dans Le meilleur des monde, à décrire une société dans laquelle les individus sont sélectionnés génétiquement et conditionnés.
Ce qui est sûr, et je vous rejoins et partage vos inquiétudes, c’est qu’une telle attitude liberticide à l’encontre de la presse ne laisse présager rien de bon. Il reste du chemin à parcourir avant que le monde ne soit meilleur. M. Farine pourra, peut-être, se consoler en se disant qu’il aura évité une intoxication à la langue de bois.
Merci Nemo pour la rectification. J’ai quelquefois la mémoire qui me joue des tours.
Complètement d’accord avec JMC.
Il va être également intéressant de voir comment les autres médias vont se positionner. Agréer la demande du préfet et donc ouvrir la voie aux invitations d’une presse aux ordres ou boycotter la dite invitation pour donner un sens au mot « liberté » inhérente à celle qui se déclare libre et indépendante.
Excellente remarque M. Acoupa pour permettre de comprendre encore un peu mieux le contexte. Pour l’heure, je n’ai pas reçu un coup de fil ou un e-mail de confrère (d’un autre média de Guyane) soucieux d’y voir clair ou tout simplement de traiter cette information. Quant à la version de la préfecture, elle a été donnée ce matin à notre directrice de publication et figure dans l’article.
En fait « vos confrères » si l’on peut dire font un mauvais calcul. Ils se disent « je ne suis pas concerné », « mon média n’est pas concerné », « oh c’est Farine, tant pis pour lui »… sans se rendre compte de l’aspect fondamental de la question : a-t-on oui ou non le droit de sélectionner un journaliste? Le Front national le pratique à l’égard de canal +, soit. Tout le monde pousse des cris. Ici, une entité publique dont le devoir même est la transparence sélectionne ses interlocuteurs en fonction de critères subjectifs. je le dis à vos confrères : quand un droit n’est pas utilisé, quand un droit est aussi « librement » bafoué, alors il risque de disparaître. « A trop le voir faire, ils s’y sont habitués… »
Bien vu de votre part mais on ne va pas obliger les gens à avoir subitement des convictions. Aux dernières nouvelles, le déjeuner-presse est purement et simplement annulé. L’esquive se poursuit…
Si justement et vous l’avez prouvé. Les mots font sens et peuvent contribuer à un électrochoc salvateur pour notre démocratie. Les mots font réfléchir et contribuent au débat. les mots interpellent et peuvent donner lieu à l’action. Naïveté? Je l’assume.
Bon courage dans tous les cas. tchimbe.
Préfet, directeur de cabinet, chargé de communication ?
Je ne sais pas lequel d’entre eux a pris cette décision, mais elle relève d’une totale incompétence et d’un manque de respect envers les citoyens !
Si cette personne à peur de rendre des comptes à ses administrés, qu’elle change de métier, car il ne faut pas inverser les rôles, les fonctionnaires d’en haut ou d’en bas sont aux services des citoyens.
Frédéric Farine traité comme un haïtien qui demande d’asile…
C’est déplorable de ne pas respecter la loi (droit d’asile), de jouer avec quand ça les arrange (les référés) et de ne pas vouloir s’en expliquer en écartant celui ou celle qui gêne! Bienvenu dans l’État de non-droit, merci le Préfet!!!
vous attendiez quoi de ce Préfet ? Quand à l’espoir de voir des confrères boycotter la soupe est trop bonne et ils sont aux ordres … eux. Entre Préfet et Gouverneur il n’y a qu’un pas, mais rassurez vous nos élus veillent … à leurs intérêts bien compris.
Comme disait F W, recteur : « La loi, c’est fait pour être contournée ».
Sinon, comment transformer une responsabilité donnée en pouvoir octroyé.
Je plains les subalternes de la préfecture…
La Guyane est encore une colonie à en croire les événements de St Laurent, la censure du préfet en renforce la preuve. Justin Catayée doit se retourner dans sa tombe.
Frédéric est le seul journaliste d’investigation de Guyane… Ah, s’il pouvait en inspirer d’autres! Nos journalistes de France Guyane ou RFO sont sympathiques mais ils sont quand même muselés par leur hiérarchie. Les vrais infos, on les attend de Fred, la langue de bois, c’est pas pour toi!!
Il serait utile d’avoir la version de la Préfecture.
Néanmoins, Je soutiens F FARINE, dont le droit et les prérogatives doivent être respectées. Il est notre représentant sur le plan des libertés à l’information et à vivre dans un régime démocratique.Dans un état de droit, en somme, qui suppose ses citoyens éclairés. A cette tentative d’obscurantisme, une autre réponse est attendue (et est à suivre) sur cette affaire, celle du corps de la presse locale et nationale. Ce sera une mesure grandeur réelle de l’état de santé du fonctionnement des institutions et de la démocratie locales
Il n’y a pas de souci Acoupa. Nous allons persévérer. René Char a écrit : » Ne te courbe que pour aimer « . Il était poète et résistant…
« Il serait utile d’avoir la version de la Préfecture. »
En effet, le plus important sera les points qu’elle n’abordera pas.
Un peu « balourd » le Préfet. Comment pouvait-il s’imaginer que cela passerait inaperçu….. Effectivement il vaut mieux inviter les autres journaux (dont notre pravda locale et quotidienne que tout le monde reconnaîtra : articles de connivence, mal écrits sur des sujets non travaillés et donc non maîtrisés…….)
La presse d’investigation (la vraie!!) se fait rare en Guyane et il ne faut jamais laisser passer ce genre de manoeuvre…
C’est bien caractéristique du contexte local mais plus généralement de la France ou les journalistes malheureusement se comportent souvent en courtisans avec le pouvoir à quelques exceptions près (Canard enchaîné, médiapart) mais pour le reste (LE MONDE, LE FIGARO…) cela ne vaut pas mieux que notre PRAVDA Guyanaise (sauf peut être la qualité de la rédaction quand même). La presse régionale de Métropole à quelques exceptions est dans la même verve…
Monsieur Farine a été mis à l’écart de cette réunion car ses propos ou questions pourraient déranger. Il a été visé en tant que journaliste. Mais plus généralement, les fonctionnaires n’ont pas le droit à la parole (confère le rappel du préfet hier au droit de réserve des fonctionnaires). S’ils osent donner leur avis et si celui ci ne va pas dans le bon sens, ils sont sanctionnés, mutés d’office, écartés de toute promotion, mis au placard… Je suis écoeuré par le monde dans lequel on vit ! bravo M. Farine pour votre courage et ténacité !
incroyablement stupide, ce commentaire-réponse « « Monsieur Farine n’est pas invité à la table du préfet. Le préfet choisit les journalistes qui seront à sa table » » Cela me rappelle des séjours que j’ai faits voici 20 ou 30 ans dans telle ou telle dictatures ploutocrates.
Pauvres pseudo-fonctionnaires qui deviennent de plus en plus « hors-sol » ….
Je suis d’accord avec la politique de lutte contre l’immigration clandestine du préfet. Je soutiens également F. Farine, la liberté d’expression doit être respectée. Sur ce coup là, le préfet la joue « petit bras ». Il devrait être capable d’expliciter ses décisions, Il l’a déjà fait dans d’autres interviews…
Très surprise de la réaction de ce préfet….si c’est lui qui est à l’origine de ce fiasco
.Et bien sûr certains se sentent un peu gênés aux entournures quand on vient fourrer son nom dans leur petit tripot, mais il va falloir s’y faire, la Guyane va bien finir par monter plus haut et enfin avoir des journalistes et médias dignes de ce nom.
Courage et bonne continuation Mr Farine, vous êtes un très bon journaliste d’investigation