Vendredi 03 Janvier

Pêche illégale : un an de prison ferme pour le capitaine d’un chalutier brésilien

Pêche illégale : un an de prison ferme pour le capitaine d’un chalutier brésilien

La préfecture de Guyane a communiqué hier sur une saisie importante réalisée dans les eaux territoriales en octobre. 17,5 tonnes de produits de la mer dont 500 kg de vessies natatoires ont été appréhendées à bord d’un chalutier brésilien en action de pêche illégale au large de Ouanary. Le capitaine du navire, qui a essayé de se soustraire au contrôle, a écopé d’un an de prison ferme avec maintien en détention le 6 décembre. Une condamnation rare en matière de pêche illégale non déclarée et non réglementée (INN). 

La condamnation est inhabituelle, tout comme la saisie réalisée sur un imposant navire brésilien en action de pêche illégale dans les eaux territoriales guyanaises.

Le 6 décembre dernier, la capitaine d’un chalutier brésilien, le Charmozo, a été condamné à un an d’emprisonnement avec maintien en détention par le tribunal judiciaire du Larivot. En octobre, son navire avait été arraisonné par les Forces armées en Guyane, dans le cadre de l’opération « Mako », au large de Ouanary, « après avoir effectué plusieurs incursions en mer territoriale française en action de chalutage » a précisé lundi 30 décembre un communiqué de la préfecture.

Lors du contrôle, que le navire a essayé de fuir, l’une des embarcations rapides d’interception de l’armée a chaviré, entraînant des blessures involontaires pour des militaires.

A la suite du déroutement du navire vers le port du Larivot, une enquête judiciaire a été ouverte. « Le capitaine du navire a été placé en garde à vue puis en détention provisoire par le Parquet de Cayenne avant son jugement en comparution immédiate le vendredi 6 décembre 2024 par le tribunal correctionnel de Cayenne » ont indiqué les services de l’Etat.

A l’audience, le prévenu a été reconnu coupable, non seulement des infractions à la législation des pêches, mais également de mise en danger délibéré de la vie d’autrui, de blessures involontaires ayant entraîné des ITT et de refus d’obtempérer à un contrôle de police en mer. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement ferme d’un an avec maintien en détention, à 8 000 euros d’amende délictuelle, ainsi qu’à une interdiction de reparaître sur le territoire français pendant dix ans, en plus de la confiscation du navire.

Importante saisie 

Lors de cette interception, 17,5 tonnes de produits de la pêche, dont 500 kg de vessies natatoires, ont été saisis sur le navire Charmozo. Le kilo non séché de vessie d’acoupa rouge se négociant entre 170 et 180 euros, cette saisie représente près de 80 000 euros en valeur commerciale.

Le préjudice financier total pour l’armateur du navire (filets, poisson saisi et confiscation du navire) a été évalué par les services de l’Etat à plus de 275 500 euros, hors dommages et intérêts pour les parties civiles constituées lors du procès.

Il faut dire que cette saisie est particulièrement importante, en lien avec la taille du navire : un chalutier de 22 mètres de long et d’environ 80 tonnes. On est loin de la traditionnelle tapouille brésilienne ou du SK boat surinamais.

L’interception a d’ailleurs eu lieu au large de la Guyane et non le long de la côte, signe que la zone hauturière n’est pas épargnée par la prédation des pêcheurs illégaux.

Doublement de l’effort de pêche illégale

Dans un rapport co-rédigé par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), le Comité régional des pêches et le Fonds mondial pour la nature (WWF) Guyane et publié en septembre, la présence de caseyeurs guyaniens et de ligneurs vénézuéliens sans licence européenne, ciblant le vivaneau, a été identifiée lors de contrôles maritimes effectués au large. La pêche hauturière INN n’avait jamais été évaluée auparavant.

Ce rapport, qui actualise une estimation de la pêche illégale étrangère en Guyane datant de 2012, souligne également que l’effort de pêche illégale dans les eaux guyanaises par des navires étrangers en provenance du Guyana, du Brésil, du Suriname et du Venezuela a été multiplié par deux au cours de la dernière décennie. Son rendement est quatre fois supérieur à celui de la pêche locale.

En moyenne, une cinquantaine de navires étrangers pêche quotidiennement dans les eaux territoriales sans autorisation, en particulier dans les zones frontalières de l’Est et de l’Ouest de la Guyane.

Fin mars, en visite en Guyane, le président de la République Emmanuel Macron avait promis de combattre ce phénomène avec plus de force. Interpellé au sujet de cette concurrence déloyale sur le marché aux poissons de Cayenne, il avait notamment déploré la « prédation des voisins » et s’était engagé à « renforcer les dispositions de contrôle contre la pêche et la commercialisation illégales« , avec une multiplication des « opérations de démantèlement » et des destructions de navires saisis.

Un an plus tôt, c’est l’ex-secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, qui signait un pacte tripartite avec la Collectivité territoriale de Guyane et le Comité régional des pêches afin de renforcer les moyens alloués à la lutte contre la pêche INN et de relancer la filière légale en souffrance, une nécessité pour réinvestir une zone maritime saturée par les illégaux. 

Moyens concentrés entre Cayenne et Kourou

Une telle prise de conscience de la part de l’exécutif n’était jamais arrivée. Pour autant, ces promesses peinent à se concrétiser en actions suffisamment fortes pour éradiquer ce phénomène d’ampleur.

Présente dans le pacte de mai 2023, la création d’un site de démantèlement des navires saisis dans l’Ouest de la Guyane, où se concentre une partie de la pêche INN, n’est toujours pas effective… plus d’un an et demi après les annonces du secrétaire d’Etat. Idem pour le renforcement de l’Unité littorale des affaires maritimes (Ulam) d’Iracoubo, au centre du littoral guyanais, qui devait voir arriver d’ici la fin de l’année un nouveau navire et deux agents.

À ce jour, les moyens de l’Etat se concentrent toujours entre Kourou et Cayenne, alors que la pêche illégale sévit essentiellement dans les zones frontalières de l’Est et de l’Ouest où aucune infrastructure pour détruire les navires illégaux arraisonnés n’existe.

L’Etat n’est pas non plus permissif. Plusieurs opérations de police en mer d’envergure ont été menées depuis le début de l’année. En juin, les forces armées ont détruit quatre navires brésiliens contrôlés en pleine pêche illégale au large de la Guyane. Portant à cette date à dix le nombre de navires de pêche illégaux mis hors service depuis le début de l’année.

Et l’opération « Mako », qui a conduit à l’interception du Charmozo, a permis de saisir au total 28 tonnes de produits de la mer. Un coup d’épée dans l’eau ?

Photo de Une : la chalutier Charmozo, intercepté en octobre lors de l’opération « Mako » qui a permis la saisie de 28 tonnes de produits de la mer © Etat-major des armées

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1 commentaires

  • FhKou

    C’est un bon début. J’espère qu’ils ne vont pas récupérer le bateau. Protégeons mieux notre environnement.

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