Installation de miniers sur des sites d’orpaillage illégaux : demi défaite pour Maïouri Nature Guyane
Le 20 décembre, le Conseil d’Etat a rejeté une requête de l’association Maïouri Nature Guyane portant sur la légalité du pouvoir reconnu au préfet de délivrer aux opérateurs miniers légaux des autorisations d’exploiter des gisements aurifères sur des sites orpaillés illégalement. En revanche, les juges ont émis une réserve sur la procédure applicable et rappelé la nécessité de respecter les normes d’évaluation environnementale et d’enquête publique. En avril dernier, à l’issue d’une table ronde organisée en préfecture avec les opérateurs miniers, le préfet de l’époque, Thierry Queffélec, l’avait claironné : pour développer la filière et lutter efficacement contre l’orpaillage illégal,…
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L’orpaillage, qu’il soit légal ou illégal, répond du même réflexe extractiviste. Sans questionner son rapport à l’argent, au soumaké, rien ne changera vraiment. Une activité artisanale, à la battée, sans faire appel aux produits chimiques, est par ailleurs jugée non rentable. C’est bien ainsi le processus industriel de l’extraction aurifère qui est le fond du problème. Le légalité elle-même d’une extraction s’accomode très bien des problèmes environementaux qu’un telle activité intensive implique inéluctablement.
Avons-nous besoin de l’or pour vivre et construire ensemble un pays ? Chacun a sa réponse à cette question complexe. Ne pas se la poser et ne pas y repondre honnêtement sans mesurer le pour et le contre, c’est en tous les cas s’abandonner au déni. Si trouver de l’or consiste à se perdre et perdre les autres, quel intérêt ?
Une bonne façon de questionner le rapport au soumaké et au penchant extractiviste, c’est aussi d’admettre d’emblée sa lourde réalité sociétal et institutionnelle… L’Etat est globalement favorable à l’extraction (raisonnée bien entendu) et visiblement une majorité de la population locale met systématiquement au pouvoir des élus qui sont également pour. Or, pour l’illégal ce n’est le choix de personne, si ce n’est celui du pouvoir régalien de laisser faire… Mais pour le légal, c’est bien un choix de société. Une autre forme de déni que ne ne pas le constater.
La population locale a cependant toujours rejeté les projets des grands groupes parce que se sont avant tout des intérêts privés. Peu de chance qu’elle soit tellement plus conciliante avec les petits opérateurs locaux, qui ne rempliront que leurs poches, ou presque. Car le gros problème de nos légaux, c’est que vues les faibles retombées de leurs activités pour la population, impossible de croire une seconde à leur baratin sur le développement économique commun. Ils ont beau être ridicules par rapport aux multinationales, leur logique repose exactement sur le même principe d’enrichissement et donc d’intérrêt privé. Comme n’importe quel petit marchand de tapis. Sauf que le petit marchand de tapis lui, n’a pas besoin de détruire le patrimoine commun (la forêt) pour s’enrichir aux dépends de la société.
Donc autant prévenir la classe politique locale, tant que son discours extractiviste n’épousera pas une certaine logique d’intérêt collectif bien compris (compagnie minière publique) offrant au moins un certain nombre de garanties sur le respect des normes et le partage des retombées, à mettre dans ce bilan du pour et du contre. A priori ça coincera toujours…et la plupart (moi en tout cas) aspireront à ce qu’on mette à juste titre des « bâtons administratifs » dans les roues des légaux locaux…Des contrôles et entraves parfaitement légitimes au regard de leur appât du gain privatisé, sur le dos d’une ressource collective.
En outre, favoriser l’installation des légaux derrière les illégaux, dans un contexte où ces derniers mènent clairement la dense, ce serait aussi verser dans une logique perverse d’alignement des intérêts de l’industrie légale, sur l’expansionnisme de la filière illégale. Ces derniers ne pouvant revenir sur les anciens sites désormais occupés par des légaux, ils iront forcément en déboiser d’autres, d’où il seront à nouveau expulsés, augmentant du même coup les perspectives des légaux, tout en aggravant perpétuellement notre préjudice environnemental. Un tel principe (légaux sur les sites des illégaux) ne deviendra donc pertinent qu’une fois que l’on sera bien certain que l’activité illégale aura été jugulée. Autant dire que ce n’est pas pour maintenant…