Les renseignements tournis par la société Vitrociset France étaient inexactement présentés dans un sens de nature à fausser l’appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures (T.A. de Cayenne)
Pour justifier sa décision quant à la non validité du marché public, le tribunal administratif relève une autre curiosité : « pour justifier de son expérience et de sa capacité technique à réaliser les travaux objets du marché en litige, la société attributaire (Vitrociset France) a produit une attestation du Centre national d’études spatiales (CNES) en date du 15 octobre 2012 indiquant qu’elle avait réalisé les réseaux fibre optique et cuivre de l’ensemble Soyouz pour la période 2008 à 2011 ».
Or cette attestation est ensuite grandement nuancée par le CNES explicite le tribunal : « il résulte de l’instruction qu’à l’instance de référé précontractuel (initialement menée par Sarvis débouté en référé), le CNES a, par courrier en date du 4 décembre 2012, indiqué que la société Vitrociset France n’avait que participé à la réalisation des réseaux fibre optique et cuivre de l’ensemble Soyouz en qualité de sous-traitant de la société Vitrociset Italie et que sa mission était limitée, à ce titre, à la coordination technique des divers sous-contractants sur le site ».
Suite à ces précisions, le tribunal conclut que « les renseignements fournis par la société Vitrociset France au pouvoir adjudicateur à l’appui de la justification de ses capacités professionnelles et techniques étaient inexactement présentés, dans un sens de nature à fausser l’appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures ».
Dès lors, selon les juges administratifs, « il a ainsi été porté atteinte au principe d’égalité de traitement entre les candidats ». Et le tribunal administratif de conclure à l’identique : « la société Sarvis est, dans ces conditions, également fondée à soutenir que le marché litigieux est entaché d’illégalité »..
La société Sarvis a été privée d’une chance sérieuse d’obtenir le marché (T.A. 26 novembre 2015)
Le marché ayant été entièrement exécuté au moment du jugement du tribunal administratif, celui-ci a opté pour un dédommagement de la société Sarvis après avoir conclu que cette société avait bel et bien été lésée par cette « procédure irrégulière » d’attribution du marché
Le tribunal administratif l’explicite en ces termes : « la société Sarvis, candidate évincée classée deuxième par la commission d’appel d’offres, a été (…) privée d’une chance sérieuse d’obtenir le marché et peut prétendre à être indemnisée de l’intégralité du manque à gagner en résultant pour elle, incluant nécessairement, en l’absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l’offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l’entreprise affectés à ce marché ».
Le tribunal ayant ensuite estimé : « que ce manque à gagner doit être déterminé (…) en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu »
Toutefois, le tribunal administratif n’a pas fait droit aux 270 380 euros demandés dans sa requête par Sarvis «au titre du gain manqué résultant de son éviction irrégulière» mais à la moitié de cette somme soit 135 190 euros
Le tribunal argumentant la hauteur du dédommagement comme suit : « la société Sarvis, en se bornant à produire le seul bilan comptable de l’exercice 2011-2012 dont il ressort un taux de marge nette de 9,79%, n’établit pas que le taux de marge nette pour le marché de travaux dont elle a été évincée serait de 10 % et conduirait à un manque à gagner de 270 380 euros comme elle le prétend ; qu’il sera (…) fait une juste appréciation du taux de marge nette en le fixant à 5 % ; que le manque à gagner doit, dès lors, être évalué à la somme de 135 190 euros, incluant nécessairement les frais de présentation de l’offre ». Sarvis avait demandé 6 400 euros de plus pour ses « frais de préparation de l’offre » note par ailleurs le tribunal.
Par ailleurs, le T.A a rejeté une demande d’indemnisation supplémentaire de 50 000 euros chiffrée par Sarvis « au titre du préjudice d’image ». Les juges administratifs ont, en effet, considéré sur ce point « qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’éviction irrégulière de la société Sarvis ait porté atteinte à la réputation ou à l’image de la société » et donc que la commune de Cayenne n’avait pas à payer cette somme.
Vendredi, nous avons en vain tenté de joindre Me Patrick Lingibé (sur son portable via des appels et un SMS). Il s’agit de l’avocat qui a défendu la mairie dans ce dossier venu à l’audience le 5 novembre dernier et dont le délibéré a donc été rendu le 26 novembre suivant par le tribunal administratif.
Nous avons essayé, plusieurs fois, sans plus de succès, de joindre le directeur des services juridiques de la mairie de Cayenne.
Samedi (1), Me Lingibé, actuellement à La Réunion dans le cadre d’un déplacement professionnel a-t-il précisé, a rappelé l’auteur de ces lignes pour lui indiquer d’une part que la mairie de Cayenne était plutôt d’avis de faire appel suite au verdict du 26 novembre mais que d’autre part, il a été décidé qu’il n’était désormais plus l’avocat de la mairie dans ce dossier.
Selon une source au tribunal administratif, la maire de Cayenne a fait appel de ce jugement du 26 novembre qui outre, les 135 190 euros de dédommagement, condamnait la municipalité à verser 1535 euros supplémentaires à Sarvis pour ses frais de procédure devant le T.A.
La société Sarvis a donc porté plainte au pénal, parallèlement, dans ce dossier.
Perquisitions au sein des sociétés Vitrociset France et Cipcéo
« Les perquisitions entreprises » jeudi à Kourou et vendredi à la mairie de Cayenne « doivent permettre de saisir tous les documents utiles à l’enquête » avait encore indiqué vendredi le procureur, dans son communiqué mis en ligne sur Whatsap.
Selon nos informations, les perquisitions de jeudi concernent les locaux des sociétés Vitrociset France et Cipcéo, l’assistant à la maîtrise d’ouvrage
« L’enquête est en cours et ne permet pour l’instant d’impliquer quiconque. Aucune garde à vue n’est en cours ni ordonnée. Le parquet incite donc à la prudence dans les commentaires (…) l’enquête en étant à ses débuts » a voulu souligner Eric Vaillant aux journalistes avant de conclure « la complexité de l’enquête impliquant plusieurs sociétés comme le montant du marché justifie que cette affaire soit désormais confiée à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Martinique à laquelle le dossier va être remis dans les prochains jours ».
Une salariée de la mairie de Cayenne, sous réserve d’anonymat, voyait, pour sa part, les choses en toute simplicité vendredi : « Rodolphe (Alexandre, maire de Cayenne de 2008 à 2010) était plutôt pour l’ADSL, Marie-Laure (Phinéra-Horth qui lui a succédé) était plutôt pour la fibre optique. C’est dans un marché de fibre optique qu’une entreprise s’estime lésée ».
Le tribunal administratif a déjà conclu que c’était le cas.
FF
(1) Article réactualisé suite à l’appel de Me Patrick Lingibé, l’avocat qui a défendu la mairie de Cayenne devant le tribunal administratif dans ce dossier.
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11 commentaires
Et ça marche au moins, via cette fibre optique, avec tout ce micmac ?
RFO en a fait 25 secondes dans son journal du soir papi
Autant que je sache de plus il semblerait que le travail n’est pas été fait dans les règles de l’art.
je ne pense pas qu’il n’y ai eu que 2 Stés à répondre l’appel d’offres, pourquoi n’ont elles pas aussi déposé plainte ?
On voit qui ne se laisse pas faire en Guyane, je parle des gérants de Sarvis.
Par contre, les manants soumis dit guyanais acceptent ces pratiques douteuses connues de tous. A savoir qu’il arrive souvent dans des collectivités (métropole comme aux Antilles-Guyane) de s’entendre au préalable avec le futur gagnant du marché public (avant la publication de l’appel d’offres), qui rédige sa proposition et ensuite la collectivité la cale sur l’appel d’offres. Contre quoi? Cela, c’est au Préfet de Guyane et aux magistrats de nous le dire. Il faudrait peut-être renforcer les effectifs ou affiner le boulot du service du contrôle de légalité de la Préfecture. Il en va de même pour bon nombres d’associations inondées à flot par des subventions injustifiées. Quand on y regarde de plus près, pierrepauljacques Président ou membre du CA de l’association a un poste clé dans la même collectivité qui verse les fonds, il est grand cadre de cette collectivité, chef de service, collaborateur de cabinet!
Si si regardez bien la composition des membres de Bureau et CA, les exemples sont légions en Guyane, même quand il s’agit de subventions ayant pour origine un grand grand groupe privé de Guyane! Enfin, messieurs les journalistes, toutes ces informations ne sont pas si difficiles à trouver concernant les entreprises ou associations.
Et quel est le rôle de Mme le Maire dans cette affaire ?
N’oublions pas aussi l’échelle des responsables en interne, directeur général des services, directeurs des marchés publics, directeur du service informatique, technique …ETC! On a pas un organigramme sous la main là?
Il serait peut-être informatif de dévoiler la composition de la commission d’appel d’offres à la mairie de Cayenne…
L’affaire date de 2012, entretemps il y a eu des municipales, la composition a pu changer.
Dommage pas qu’on ait pas une trace quelque part des compositions des commissions diverses de la mairie en 2012.
On peut savoir qui faisait partie de la commission. Il faut frapper fort. Les marchés publics, c’est l’argent du contribuable. Il faut que les élus comprennent que c’est le peuple qui détient le pouvoir. Ils ont, en fait, postuler et ont une fiche de poste qui sont les missions, les compétences dévolues par la loi. Ils sont en CDD.Il appartient au peuple de se réveiller d’être attentif aux objectifs de la personne à qui il a donné son suffrage. Après, il ne faut être étonné mais se dire que nous avons les élus que l’on a voulu avoir.
Totalement d’accord avec vous, il est temps de cesser d’avoir cette réputation de « loloï », il est du devoir de la société civile de dénoncer et combattre activement ces dérives voire faits délictueux quand ils sont avérés. Il en va du devenir de la Guyane,de son bien être, de son développement économique et social tant attendu depuis la départementalisation. Nous l’avons fait et remporté dans l’affaire Monlouis-Deva (pétition en ligne), poursuivons sur cette lancée. On peut tout de même essayer de faire quelques recherches sur internet, qui sait, à force de fouiller dans la mouise, c’est fou le nombre de cadavres que l’on déterre parfois !
Et une deuxième affaire pour Madame le Maire, après celle du terrain de chaton qu’elle comptait vendre au financeur de sa campagne électorale !