Jeudi 21 Novembre

L’ingénieur-conseil, coauteur du rapport d’analyse des offres dans l’affaire de l’attribution du marché public de la ville de Cayenne jugée irrégulière par le tribunal administratif, nous écrit…

L’ingénieur-conseil, coauteur du rapport d’analyse des offres dans l’affaire de l’attribution du marché public de la ville de Cayenne jugée irrégulière par le tribunal administratif, nous écrit…
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Suite à notre article du 6 février dernier intitulé : «Affaire Sarvis/Mairie de Cayenne : pourquoi le tribunal administratif a jugé irrégulière l’attribution du marché à la société Vitrociset France (voir le lien vers cet article)», Dominique Avisse ingénieur-conseil au sein de Cipcéo (un groupement de sociétés d’assistance à maîtrise d’ouvrage), nous a fait parvenir le droit de réponse suivant par le biais d’un cabinet d’avocats de Cayenne. 

« Après mure réflexion, monsieur Avisse, cité dans l’article publié le 6 février 2016 sur le site Guyaweb.com, souhaite apporter des éléments permettant de dissiper toute interprétation malencontreuse le concernant.

Le groupement Cipcéo, en qualité d’assistant à maîtrise d’ouvrage, n’est pas directement impliqué dans le procès de la société Sarvis contre la ville de Cayenne. Ainsi, le groupement Cipcéo n’a pas été sollicité pour présenter, dans le cadre de cette procédure, les éléments permettant de démontrer de manière incontestable, l’impartialité de la procédure suivie.

Il est reproché au groupement Cipcéo que l’un de ses membres ait travaillé comme salarié de la société Vitrociset, mais le nombre d’entreprises de Guyane capables de réaliser de gros travaux dans le domaine du numérique est très réduit, pour preuve le faible nombre de réponses, en général 2 ou 3, aux appels d’offres dans ce domaine, quand il n’y a pas de réponse de sociétés domiciliées dans l’Hexagone.

Monsieur Avisse, ingénieur-conseil du groupement Cipco et co-rédacteur du rapport d’analyse des offres, a donc naturellement travaillé par le passé avec ces entreprises (Vitrociset, Sarvis dans le cadre d’un groupement avec IEC, Cegelec) mais cela date d’il y a plus de huit ans. La société Sarvis a d’ailleurs remporté un précédent appel d’offres de la ville de Cayenne, sur la base d’un rapport rédigé par le même groupement Cipcéo. Cette attribution n’a jamais été contestée.

Dans le total respect du code des marchés publics, le choix de la société Vitrociset a été réalisé sur la base de critères objectifs rendus publics lors de la consultation. Le rapport d’analyse des offres, basé sur ces critères, a été communiqué au contrôle de légalité, et approuvé par tous les membres de la commission d’appel d’offres de la ville de Cayenne. Ce rapport n’a jamais été contesté ou remis en cause par le contrôle de légalité ou encore par le tribunal administratif lors du procès.

L’offre de la société Sarvis était bien supérieure au budget estimé pour ce marché, et n’aurait donc pas pu être retenue. La société Vitrociset a présenté une offre d’une meilleure qualité technique, pour un coût inférieur au budget estimé et avec un engagement ferme sur les délais.

L’offre de la société Vitrociset était donc économiquement la plus avantageuse pour la ville de Cayenne.

En conclusion, Dominique Avisse et le groupement Cipcéo ont préconisé à la ville de Cayenne de retenir Vitrociset sur ce marché en toute transparence et de manière totalement objective ».

Note de la rédaction :

Dans son droit de réponse monsieur Avisse cite un « procès » intenté par la société Sarvis à la mairie de Cayenne.

Il s’agit en fait d’une requête devant le tribunal administratif de la société Sarvis, candidat classé second à l’issue de l’appel d’offres, qui demandait l’annulation d’un marché d’extension du réseau en fibre optique de la ville et une indemnisation.

Le 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Cayenne a condamné la ville à indemniser Sarvis à hauteur de 135 190 euros «au titre du gain manqué résultant de son éviction irrégulière». La mairie de Cayenne a, depuis, fait appel de ce jugement.

Notre article du 6 février 2016 avait notamment révélé les motifs retenus par le tribunal administratif de Cayenne pour juger « entachée d’illégalité », la procédure d’attribution de ce marché public de la mairie de Cayenne.

Dans son droit de réponse, Dominique Avisse indique : « dans le total respect du code des marchés publics, le choix de la société Vitrociset a été réalisé sur la base de critères objectifs rendus publics lors de la consultation ». Joint par Guyaweb, notamment pour une précision sur cette phrase, M. Avisse nous a indiqué qu’il faisait référence au système de notation des offres : « 40% de la note se rapportant au prix, 60 % au caractère technique de l’offre » a-t-il en particulier indiqué.

Toutefois, aujourd’hui, M. Xavier Huchon, directeur de la société Sarvis nous indique ne pas avoir été destinataire de la totalité des documents demandés par ses soins à la mairie de Cayenne, des documents relatifs aux offres émises pour ce marché à l’époque. Nous revenons en détails sur ce volet du dossier dans un article à paraître ce jour.

Trois ans, jour pour jour, après l’attribution du marché public à la société Vitrociset France, le tribunal administratif (T.A) de Cayenne avait donc jugé, le 26 novembre 2015, que cette décision de la municipalité de Cayenne était « entachée d’illégalité ».

La juridiction administrative avait retenu deux faits pour motiver sa décision, révélions-nous le 6 février dernier. Le premier motif du tribunal citait monsieur Avisse.

Les juges soulignaient en l’occurrence un fait établi : cet ingénieur-conseil, corédacteur du rapport d’analyse des offres, avait précédemment été, durant plusieurs années, un salarié de Vitrociset France, la société ayant décroché le marché.

Le tribunal l’a expliqué très clairement en ces termes, rapportions-nous le 6 février : « il résulte de l’instruction que la commune de Cayenne a confié l’assistance à maîtrise d’ouvrage du marché querellé à la société CipcÉO ; que cette mission comportait, notamment, l’établissement d’un rapport d’analyse des offres pour désigner l’attributaire du marché ».

Or, note ensuite le tribunal administratif, «  le rapport d’analyse des offres du 25 octobre 2015 (il doit s’agir d’une coquille dans l’écriture du jugement, selon toute vraisemblance, ce rapport d’analyse des offres doit dater du 25 octobre 2012, corrigions-nous encore le 6 février) a été rédigé pour la société Cipcéo par deux ingénieurs-conseils, MM. Hortefeux et Avisse ; qu’il est établi que M. Avisse avait été salarié de la société Vitrociset France, attributaire du marché, dans les attributions de responsable du contrat de prestations industrielles au Centre spatial guyanais de juillet 2001 à juillet 2007 ».

Un fait que Dominique Avisse ne conteste pas. Joint au téléphone jeudi 28 avril, il nous a confirmé sa position de cadre à l’époque chez Vitrociset. Il y a huit ans dit-il aujourd’hui dans son droit de réponse. Selon les attendus du tribunal administratif, l’intéressé y travaillait encore 5 ans et quelques mois avant l’octroi du marché à Vitrociset fin 2012.

Le temps, en fait, importe peu. Fin novembre dernier, le tribunal en avait tiré les conclusions suivantes : « il en résulte un lien étroit entre la société CIPCÉO et la société Vitrociset France ; que ces liens entre la société attributaire et le cabinet CIPCÉO sont de nature à induire un doute sur l’impartialité de ce dernier dans la sélection des offres remises par les candidats à laquelle il a procédé ; que ces modalités de sélection sont ainsi susceptibles d’avoir eu une influence sur le choix de la société attributaire du marché ».

Dès lors, avait tranché le tribunal, « la société Sarvis est fondée à soutenir que la décision d’attribuer le marché à la société Vitrociset France a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ».

En tout état de cause, il faut savoir qu’une juridiction administrative se base sur une situation de fait sans présumer de l’intentionnalité pour conclure au conflit d’intérêt sans le dire.

En 2013, un article du Figaro consacré à cette notion de conflit d’intérêt la présentait en ces termes : «les conflits d’intérêts peuvent se rencontrer au gouvernement, parmi les parlementaires, dans la fonction publique comme dans le secteur privé. Ils ne se réduisent pas à des infractions démontrées, c’est-à-dire à des actes pénalement répréhensibles (…) Toute situation qui peut susciter un doute raisonnable sur l’impartialité et l’indépendance d’un professionnel, même à tort, expose celui-ci au reproche de conflit d’intérêts.»

« Votre analyse est juste » nous a confié le président du tribunal administratif de Cayenne, Daniel Josserand-Jaillet, « le lien, s’il est factuellement établi, révèle une irrégularité de procédure sans considération de la personne ni qualification de son comportement. Si ce lien permet de laisser, selon la théorie de la simple apparence, penser aux tiers qu’il a pu influer sur la détermination du choix, serait-ce inconsciemment ou totalement dénué de fondement, cette irrégularité entraînera l’annulation de la procédure de passation du marché. Le raisonnement du juge administratif, en pur droit comme d’habitude, procède d’un terrain totalement distinct de celui que suivrait le juge pénal. ».

Cette notion de conflit d’intérêt est justement un thème que nous avions abordé, il y a quelques mois, avec l’actuel président du tribunal administratif de Cayenne en personne Daniel Josserand Jaillet qui fut directeur de cabinet du préfet Ange Mancini en Guyane de 2002 à fin 2004 avec notamment la mission de monter des opérations de lutte contre l’orpaillage illégal. Fin 2015, nous lui avions demandé de s’expliquer sur cette réalité alors qu’il venait de se prononcer sur une requête d’associations demandant des comptes à l’État, justement en matière de lutte historique contre l’orpaillage illégal. (Voir notre article sur le sujet mis en ligne le 12 décembre dernier)

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