Une conférence qu’Isabelle Hidair-Krivsky donnera ce jeudi 23 janvier à l’Université de Guyane à Cayenne.
« Si le carnaval de Guyane possède une originalité, c’est par son caractère libre, spontané et populaire. Pourtant, ces aspects sont rarement pris en considération dans les discours populaires. Ainsi, on entend des reproches récurrents de la part des observateurs ou participants qui regrettent « l’absence de touristes », mais aussi la présence de costumes jugés dégradants, le manque de ponctualité des groupes, la violence des jeunes, certains s’offusquent même de la critique des hommes politiques alors que le lien entre carnaval et politique fait partie intégrante des festivités. En lieu et place de ces « dérives », les modèles invoqués sont ceux des carnavals de Nice, Rio ou Trinidad. Des carnavals médiatisés dans lesquels les costumes sont présentés comme étant harmonieux et somptueux.
Pourtant, là où réside la particularité du carnaval guyanais, c’est justement par l’absence de barrières – au sens propre comme au sens figuré – entre les Touloulous et les « spectateurs » (qui n’en sont pas en réalité). C’est un carnaval dans lequel tout le monde est acteur : pas d’applaudissements, pas d’inactifs, tout le monde est amené à participer aux festivités. Cette rencontre « spectateurs » /masques se retrouve particulièrement à l’occasion du jeu d’intrigue avec les Touloulous qui ont pour mission principale de tourmenter, de salir ou de faire participer l’assemblée.
L’originalité du carnaval guyanais est sa gratuité, mais il s’est créé au fil du temps une sorte de filtre apparu avec la création d’associations, l’organisation de soirée, la remise de prix lors des parades et la quête de sponsors pour augmenter les chances du groupe de gagner les fameuses récompenses. C’est un cercle vicieux qui fait perdre de vue l’extrême pouvoir d’inclusion du carnaval. Le défi aujourd’hui serait d’utiliser la force d’attractivité de ce carnaval populaire pour en faire un outil de l’Education Nationale afin d’apprendre à ces jeunes à développer leur créativité, leurs talents à prendre en compte ce qui est à portée de main – à l’image de ces musiciens souvent autodidactes pour la plupart – et qui font danser toute la Guyane durant plusieurs semaines. L’art, la culture et les artistes peuvent accompagner la réussite scolaire, l’insertion sociale, l’épanouissement de chacun et prendre en charge la citoyenneté. »
Isabelle Hidair-Krivsky est maîtresse de conférences en anthropologie de l’éducation à l’Université de Guyane et directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité.
« Carnaval de Guyane : les discours contradictoires d’un carnaval pourtant inclusif », une conférence d’Isabelle Hidair-Krivsky, jeudi 23 janvier à 18h30 sur le campus Troubiran (amphi A) de l’Université de Guyane à Cayenne.
1 commentaires
En grande partie d’accord avec ces propos. Le carnaval Guyanais est resté (encore?) particulièrement fidèle à l’esprit original qui remonterait bien plus loin que le moyen âge habituellement évoqué pour définir les origines de ces fêtes populaires.
L’an dernier, c’est « montagne d’or » qui,pour se refaire la cerise en terme d’image finançait l’arrivée par hélicoptère (!!glups) de Vaval.
L’argent permet donc au puissant de s’approprier un espace d’où ils sont en principe exclu en tant que tel.
Plutôt que « d’éducation nationale » je préférerais le terme « d’éducation populaire » moins académique et institutionnel pour un évènement qui se veut justement un levier de contre pouvoir populaire.