Une majorité qualifiée s’est dégagée dimanche 17 avril à la Chambre des députés du Brésil pour approuver la poursuite du processus de destitution de la présidente de la République, Dilma Rousseff.
Alors que ses opposants du centre et de la droite l’accusent de s’être rendue coupable d’un « crime de responsabilité » pour avoir manipulé les comptes publics en 2014, l’année de sa réélection, Dilma Rousseff et ses partisans dénoncent pour leur part le « coup d’Etat » institutionnel que constituerait cette procédure parlementaire de destitution (impeachment), dénuée à leurs yeux de légitimité et de fondement juridique (Guyaweb du 13/04/2016).
Une nette majorité contre Dilma
A l’issue de deux jours de session marqués par des débats houleux et plusieurs échauffourées, et alors que des millions de Brésiliens s’étaient mobilisés dans les grandes villes du pays et dans la capitale Brasilia pour soutenir l’un ou l’autre camp, les élus de la Chambre des députés du Brésil présents ce dimanche ont voté, chacun leur tour et à voix haute, pour ou contre la poursuite du processus de destitution engagé en décembre 2015 contre la présidente de la République.
Comme on pouvait le pressentir au vu de l’impopularité et de l’affaiblissement de Dilma Rousseff, lâchée par la plupart de ses alliés politiques ces dernières semaines, une nette majorité des députés fédéraux s’est prononcée en faveur de la poursuite de la procédure d’impeachment qui vise à écarter du pouvoir la présidente de la République, à peine un an et demi après le début de son second mandat de quatre ans.
Alors qu’une majorité qualifiée des deux tiers des 513 députés de la Chambre basse était requise pour que le processus de destitution de Dilma Rousseff suive son cours, ce seuil de 342 votes a été atteint peu après 23 heures dans la soirée de ce dimanche 17 avril 2016 – au final 367 députés se sont prononcés pour l’impeachment, 137 contre, 7 se sont abstenus et 2 étaient absents.
Le Sénat prend le relais
Le processus de destitution va passer désormais entre les mains du Sénat, qui devrait d’abord rapidement accepter puis qui conduira effectivement le procès politique de la présidente de la République, jugée pour ce « crime de responsabilité » prévu par la Constitution de la République fédérative du Brésil.
Durant son procès qui pourrait s’achever dès la fin du mois de mai, Dilma Rousseff devra se mettre en congé de la présidence, l’intérim étant assuré par le vice-président Michel Temer.
La Constitution prévoit que c’est lui qui achèverait le mandat de la présidente de la République si celle-ci venait à être condamnée par le Sénat et ipso facto déchue de ses fonctions.
La crise est loin d’être finie
A elle seule, une telle issue serait pourtant loin de sortir le Brésil de la crise politique majeure dans laquelle il s’est enfoncé progressivement depuis l’an passé et dont le révélateur et l’accélérateur est le gigantesque scandale de corruption et de financement politique illégal lié aux détournements de fonds opérés à partir de la multinationale pétrolière publique Petrobras.
Le scandale Petrobras implique en effet la plupart des formations politiques brésiliennes et nombre de personnalités éminentes, dont Fernando Henrique Cardoso (1995-2003) et Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010), les deux prédécesseurs de Dilma Rousseff à la tête de l’Etat, ainsi que le vice-président Michel Temer, le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, et celui du Sénat, Renán Calheiros, qui occupent les trois premières positions dans la ligne de succession de Dilma Rousseff, qui appartiennent au Parti du Mouvement Démocratique Brésilien, le mieux représenté à la Chambre des députés comme au Sénat, et qui sont tous les trois dans le collimateur de la justice.
De même, alors que la présidente de la République n’est sous le coup d’aucune accusation d’enrichissement personnel, plus de la moitié des membres du Sénat et de la Chambre des députés fait l’objet de poursuites judiciaires pour corruption, achat de vote, trafic d’influence, blanchiment d’argent, évasion fiscale et/ou enrichissement illicite – Eduardo Cunha par exemple est formellement accusé par la justice de détenir dans des banques suisses plusieurs millions d’euros issus frauduleusement de Petrobras et son nom apparaît dans les Panama Papers.
Une situation paradoxale et préoccupante qui amenait samedi 16 avril un éditorialiste du grand quotidien Folha de São Paulo, pourtant résolument engagé en faveur de la destitution de Dilma Rousseff, à écrire à propos de cette dernière: « elle n’a pas volé, mais elle est entourée d’une bande de voleurs qui la jugent » .
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