Mercredi 25 Decembre

Luis Sablon : le rescapé de la charette des contrôlés positifs de Guadeloupe en 2016

Luis Sablon : le rescapé de la charette des contrôlés positifs de Guadeloupe en 2016
Enquête Guyaweb

Le coureur guadeloupéen Luis Sablon faisait partie en 2016, du nombre impressionnant de cyclistes contrôlés positifs sur son île : 16, 67% des cyclistes contrôlés ( 7 sur 42) s’étaient révélés positifs suite à une opération d’envergure menée, le 26 mars de l’année dernière, par l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) alors informée de dérives de cette discipline au sein de ce territoire d’outre-mer.

Suspendu par la FFC (Fédération française de cyclisme) en première instance et en appel, l’an dernier, le baroudeur de la sélection Guadeloupe, actuel 10ème du Tour de Guyane (2ème en 2015) et vainqueur de l’étape d’Apatou mercredi, a été relaxé au final, cette année, des faits de dopage reprochés.

L’AFLD, à l’origine de ce cette opération de contrôle mais également instance disciplinaire de degré supérieur en matière de lutte antidopage, a considéré que Luis Sablon avait justifié la prise de substances interdites (glucocorticoïdes) à des fins thérapeutiques.

L’intéressé est asthmatique.

Tout juste l’AFLD a-t-elle souligné que Luis Sablon aurait pu s’abstenir de courir pendant son traitement de crise.

On s’en souvient : une opération antidopage d’envergure de l’AFLD avait été diligentée le 26 mars 2016 à l’issue d’une étape d’une course peu ou prou secondaire, en Guadeloupe, le grand prix CANBT(Communauté d’agglomération du Nord de Basse-Terre).

Fin mai suivant, un rapport de l’AFLD -transmis auparavant au procureur de la République de Basse-Terre- fuitait dans la presse révélant, entre autres que pas moins de 7 des contrôles (sanguins et urinaires) sur les 42 effectués le 26 mars à Deshaies s’étaient révélés positifs.

Certaines analyses révélaient chez certains coureurs, des produits lourds de l’arsenal du dopage : EPO Cera (1) et même hormone de croissance (en plus de l’EPO) pour le coureur guadeloupéen Johan Dartron (voir cet article).

Parmi les cas positifs; figurait un certain Luis Sablon, actuellement présent sur le Tour de Guyane, dont les urines révélaient la présence de prednisone et prednisolone (glucocorticoïdes)

Dès le 19 mai 2016, la commission nationale de discipline le suspendait, comme les autres, à titre conservatoire.

Sa convocation devant la commission de discipline à Paris ne tardait pas. Luis Sablon s’y rendait alors seul, sans avocat, en juin 2016, comme il nous l’a raconté, jeudi, au cours de ce Tour de Guyane : « J’ai essayé d’expliquer les faits mais le président du jury (de la commission de discipline de 1ère instance, ndlr) était très agressif. Je suis asthmatique. Le jour de la course, j’étais en plein traitement de crise avec du solupred. Je l’ai indiqué à la commissaire de course ce jour-là avant le départ. Le médecin dont je souhaitais avoir l’avis n’était pas là au départ. Puis à l’arrivée, il y a eu ce contrôle. Je m’y suis soumis ».

Le solupred, je n’en prend pas tout le temps, c’est lorsque je fais de grosses crises, je peux alors avoir un traitement sur cinq jours et lorsque j’avais fait ma dernière demande d’AUT, je n’avais pas de prescription de solupred en cours (Luis Sablon)

Le problème est que le jour du contrôle Luis Sablon n’avait pas l’autorisation à usage thérapeutique (AUT) de rigueur pour le solupred : «En matière d’AUT, ce sont les mêmes obligations pour les amateurs que pour les professionnels. A mon niveau, ils ont toujours eu connaissance de mes traitements. J’ai eu l’occasion de faire plusieurs demandes d’AUT. Il s’est avéré que suite à ma dernière demande d’AUT avant ce contrôle, on m’a dit (il ne précise pas la qualité de ce « on », ndlr) que je n’avais pas besoin d’AUT pour le solupred. Le solupred, je n’en prends pas tout le temps, c’est lorsque je fais de grosses crises, je peux avoir un traitement sur cinq jours et lorsque j’ai fait ma dernière demande d’AUT, je n’avais pas de prescription de solupred en cours », explique le coureur avant de souligner qu’au moment de la course fin mars : « J’avais bien un traitement de crise avec le solupred prescrit mais pas d’AUT. J’ai fourni toutes les ordonnances. Sur le procès verbal du contrôle antidopage, j’ai inscrit tout ce que j’avais pris sans rien cacher. »

« Or il s’avère qu’en 2013, j’avais déjà écopé de trois mois de suspension pour un cas similaire. La FFC a pris comme argument une récidive ce qui n’est pas le cas. En première instance (en juin 2016, ndlr), j’avais l’attestation de la commissaire de course indiquant que j’étais venu la voir avant le départ pour lui faire part que j’étais sous un  traitement de crise. Comme je m’étais rendu tout seul sans avocat à Paris pour des questions de coût comme je le leur ai expliqué, le jury s’est peut-être dit que je n’irais pas plus loin et il m’a infligé trois ans de suspension » poursuit Luis Sablon.

Mais le coureur ne lâche pas le morceau et fait appel le 15 juillet suivant.

J’ai alors demandé à l’AFLD de me fournir mes demandes d’AUT. Ils se sont peut-être dits que j’allais saisir la justice administrative ?

En août 2016, c’est son avocat qui se présente seul devant l’instance disciplinaire d’appel « qui ramène la sanction de 3 ans à un an de suspension », se remémore Lui Sablon (voir le résumé de cette décision)

« J’ai alors demandé à l’AFLD de me fournir mes demandes d’AUT. Ils se sont peut-être dits que j’allais saisir la justice administrative ? Toujours est-il que l’AFLD s’est alors saisie du dossier. » En tant qu’instance disciplinaire de degré supérieur.

Et là, coup de théâtre : dans sa décision datée du 6 avril dernier, l’AFLD réforme et annule purement et simplement la sanction infligée par la fédération française de cyclisme à Luis Sablon.

Après voir reçu notification de cette décision de l’AFLD, le coureur guadeloupéen en a publié la dernière page début juin dernier sur son mur Facebook. (voir cette page de la décision de l’instance disciplinaire).

« Ce sportif à fourni la justification à des fins thérapeutiques exclusives de la présence des substances interdites (…) Dans ces conditions s’il eut été à propos pour M. Sablon de s’abstenir de prendre part à la compétition au regard de son état de santé, il n’y a pas lieu, cependant, de prononcer de sanction à son encontre. », tranche l’AFLD.

L’AFLD a dès lors annulé la décision de la FFC du 19 août 2016 et relaxé Luis Sablon.

« Dans l’intervalle, j’ai tout de même été suspendu pendant un an », souligne le coureur, « là, pendant ce Tour de Guyane, j’ai subi un contrôle sanguin à 6 heures du matin. Je n’ai rien à cacher. » assure-t-il.

Détournés de leur usage à des fins thérapeutiques, les glucocorticoïdes peuvent avoir des effets dopants en apportant notamment une sensation de force supplémentaire pour enrouler le braquet, selon le professeur Michel Audran, expert mondial de la lutte antidopage.

« Cette épreuve par étapes de mars 2016, malade, je n’avais pu la terminer » justifie encore Luis Sablon.

Pas prévu initialement dans la sélection de Guadeloupe pour ce Tour de Guyane, l’intéressé l’a rejointe in extremis après le forfait de dernière minute d’un des sélectionnés.

Après un Tour de Guadeloupe remarqué, avec de nombreuses échappées, parfois à contretemps et une seconde place à l’issue d’une étape difficile, il est 10ème au classement général du Tour de Guyane avant le contre la montre de samedi après-midi.

Et il a remporté l’étape menant à Apatou mercredi, se glissant dans une échappée menaçante pour son leader, sans prendre les relais avant de l’emporter au sprint.

FF

(1) Trois autres coureurs, trois gros poissons colombiens du cyclisme guadeloupéen, dont Daniel Bernal et Flober Pena Pena (4 victoires dans le Tour de Guadeloupe chacun à leur palmarès) sont tombés pour dopage à l’EPO Ceara suite à un contrôle sanguin effectué au cours du Tour de Guadeloupe 2016 (voir cet article).

Photo de Une (réalisée par Ronan Liétar) : Luis Sablon victorieux de l’étape menant à Apatou mercredi en réglant au sprint le groupe d’échappés.

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2 commentaires

  • Entre l’EPO et le Solupred, il y quand même une grande marge au niveau dopage…

  • FF

    Concernant les glucocorticoïdes, il est difficile voire impossible, lors des contrôles de faire la différence entre la nature de la prise : pommade, spray nasal, voix orale (solupred) ou injection aux effets plus importants.

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