Nommé directeur de crise et dépêché en urgence par le gouvernement, le préfet Patrice Latron, arrivé mercredi en toute discrétion. reprend la main sur la gestion sanitaire du Covid-19. Il a pour mission de mettre « un cadre de gestion de cellule de crise interministérielle » à la sauce locale – mais sans les élus – , « de constater une baisse de l’épidémie » et de prêter main forte au préfet et la directrice de l’Agence régionale de santé, ouvertement critiqués pour leur gestion « calamiteuse » de la crise sanitaire, économique et sociale qui touche de plein fouet la Guyane.
C’est par le biais d’un communiqué lapidaire du ministère des Outre-mer que les médias ont appris que ce haut fonctionnaire, Patrice Latron, nommé vendredi 3 juillet par l’ancien gouvernement d’Edouard Philippe, était bel et bien sur le territoire guyanais qui connait une flambée de l’épidémie du coronavirus avec 5704 cas avérés, 23 décès, 131 patients hospitalisés, 26 en réanimation.
Un lien permanent avec le CIC national
Un directeur de crise pour gérer la crise Covid en lien permanent avec le centre interministériel de crise (CIC) au ministère de l’Intérieur, place Bauveau à Paris, c’est complètement inédit et c’est encore une triste particularité pour la Guyane. Cette nouvelle nomination interroge sur la stratégie opérée par les autorités sanitaires locales depuis le début de la crise du coronavirus en Guyane depuis maintenant quatre mois et les relations tendues entre Clara De Bort et le préfet Marc del Grande (Clara de Bort calme les ardeurs médiatiques du préfet, Guyaweb du 28/03/2020)
Confinée depuis le 17 mars comme sur le territoire national, la Guyane a aussi été déconfinée comme au national le 11 mai alors que la vague de l’épidémie déferlait chez son voisin brésilien, deuxième pays le plus endeuillé au monde avec + de 65000 morts. C’est ainsi que la commune de Saint-Georges de l’Oyapock, ville frontalière avec le Brésil, est devenue la seule commune française toujours confinée depuis le 17 mars, soit près de quatre mois.Ainsi tandis que le déconfinement national était décrété, Saint-Georges de L’Oyapock devenait le principal cluster de Guyane. Cette commune frontalière connaissait une augmentation régulière des cas qui se chiffraient à près de 400 vendredi 10 juillet.
« Devant vous il y a une équipe de la République »
Pointée du doigt à de nombreuse reprises notamment par le député Gabriel Serville, la gestion de la crise est qualifiée de “calamiteuse” par l’élu de la 1ère circonscription de Guyane (Guyaweb du 30/06/2020). Pour le député d’opposition, la nomination vendredi 3 juillet du directeur de crise Patrice Latron auprès du préfet et de la directrice générale de l’ARS “confirme cet échec”. Mais Patrice Latron considère que « c’est un témoignage d’importance que le gouvernement accorde à la crise en Guyane ».
En référence aux stratégies divergentes entre l’ARS et le préfet, Patrice Latron affiche l’Union sacrée : « il y a une complémentarité des pouvoirs constitutionnels entre les pouvoirs du préfet et ceux de la directrice générale. Il est normal qu’il y ait parfois des différences d’appréciation, c’est le rôle de l’interministérialité que j’incarne que d’arbitrer en écoutant les uns et les autres. C’est la République qui parle. Devant vous il y a une équipe de la République.»
Installation d’un CIC à la sauce locale
Lors d’un point presse jeudi 9 juillet, le directeur de crise nous a indiqué avoir mis en place “ce matin, le Centre interministériel de crise (CIC) qui associe les services de l’Etat, de la préfecture, de l’ARS et des centres hospitaliers de Guyane”, mais sans les grands élus guyanais.
Ce CIC à la sauce guyanaise appuie “le Centre opérationnel zonale, une structure de crise inter-armée qui dépend de la préfecture sous l’autorité du préfet (…), qui vise à préparer le point de situation quotidien et à proposer au CIC des besoins en renforts, en moyens ou des actions.” Quant au rythme, Patrice Latron a ajouté que “le CIC se réunira tous les jours”. En effet ce vendredi 10 juillet, il s’est tenu à l’hôtel préfectoral.
En mission pour « un mois », le directeur de crise – baptisé « M. Crise » par le collectif Mayouri Santé (1) – a expliqué que ce CIC apportera “à la fois plus de coordination entre la préfecture, l’Ars et le Comsup et un lien plus étroit avec le CIC national au sein du ministère de l’Intérieur dirigé par le préfet Denis Robin”.
La méthode Latron est «d’apporter des synthèses quotidiennes en lien avec Paris» et vise à ce que «la population guyanaise soit la mieux informée possible sur la situation, sur les difficultés mais aussi les efforts importants que la République fait au profit de la Guyane.»
Pour le préfet Marc Del Grande, la création d’un CIC local et la nomination d’un directeur de crise sont «un atout, une chance qui vient parachever des efforts importants qui ont été consentis au profit de notre région (…) parce que c’est maintenant que nous devons pousser les feux sur l’ensemble des sujets, notamment sur les capacités hospitalières, d’Evasan, la bonne adéquation entre les mesures de protection et la situation épidémiologique” .
Le représentant de l’Etat en Guyane, Marc Del Grande, se « réjoui(t )» donc de la présence du préfet Latron qui créé “un lien plus court, mieux identifié (avec Paris), et il ajoute qu’« il est un atout pour la gestion de cette crise (…), ça permettra de dégager un peu de temps et de disponibilité d’esprit pour suivre l’ensemble des autres sujets, la relance et la suite.”
Fustigée par les élus de Guyane et notamment le président de la Collectivité de Guyane qui avait adressé une lettre de mécontentement au ministre de la Santé Olivier Véran, la directrice générale de l’ARS Clara De Bort, a la mine “réjouie ».
Pour la DG de l’ARS, « l’atout » Patrice Latron permet de « bénéficier de renforts en terme de coordination, du haut niveau en lien avec le CIC (Paris) qui devient indispensable avec l’accélération des événements (…). Ca nous allège un peu d’avoir quelqu’un dont c’est la priorité des priorités”.
“Avoir un temps d’avance sur la maladie” (Patrice Latron)
Interrogé sur son action prioritaire dans cette longue crise qui a débuté le 4 mars en Guyane, Patrice Latron a indiqué que “le combat est à la création de capacités supplémentaires d’hospitalisation pour les patients Covid” se traduisant par “des besoins en places matérielles dans les hôpitaux et en moyens humains (…), c’est un combat d’anticipation pour gagner cette bataille entre le nombre de places disponibles et la progression de la maladie”.
L’autre «combat» est ciblé sur « les évacuations sanitaires pour libérer de la place pour des patients Covid et non Covid, d’une part vers les Antilles et vers la métropole » .
Ce qui est étonnant, d’autant plus que la DG de l’ARS nous annonçait en début de l’épidémie une capacité hospitalière de « 70 » lits de réanimation en Guyane. A ce jour et en l’état, la capacité en lits de réanimation est de 38 lits.
En terme de renforts en moyens humains,“22 personnels soignants militaires affectés au CHOG arrivent ce vendredi 22 juillet » dans le cadre de l’opération Résilience. Ce renfort, « spécialisé en réanimation, est composé de médecins, infirmiers, aides- soignants» ont informé les Forces armées de Guyane (FAG) . «Ils ouvriront dès dimanche, au sein du Centre hospitalier de l’Ouest guyanais (CHOG) à Saint- Laurent du Maroni, quatre lits de réanimation supplémentaires pour patients atteints du coronavirus» ont précisé les FAG.
Quant à l’hôpital de Cayenne, « l’ objectif est d’augmenter de 10 lits supplémentaires dans une dizaine de jours par module de cinq selon l’arrivée des effectifs (…) pour d’ici 10 jours à avoir 40 lits de réanimation Covid au CHAR plus 10 non-Covid» a précisé la DG de l’ARS.
A quelques jours du pic annoncé entre la mi-juillet et la fin juillet, la situation épidémique en Guyane monte en pression. « On doit être extrêmement attentif à cette situation, il y aussi le souci d’anticiper et de déterminer les moyens et les procédures pour y faire face » tente de rassurer le nouveau directeur de crise en Guyane, qui aura à ses côtés ce dimanche 12 juillet le trio de choc du gouvernement : le premier ministre Jean Castex, le ministre de la Santé Olivier Veran et le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu.
Et au fait… que devient le COGEC, installé en grande pompe tout récemment par l’ancienne ministre des Outre-mer ? (Guyaweb du 24/06/2020).
(1) « On multiplie les instances mais les problèmes ne se règlent pas » déplore Yvane Goua du collectif Mayouri Santé. A lire la suite ce week-end sur Guyaweb.
4 commentaires
« Devant vous il y a une équipe de la République »
Réjouissez-en, tout ira très bien.
« l’ objectif est d’augmenter de 10 lits supplémentaires dans une dizaine de jours par module de cinq selon l’arrivée des effectifs
Ce qui veut dire qu’il est prévu un maximum d’autoriser une personne de plus en réanimation par jour…
Cependant, le recul sur la crise dans les autres pays, nous prouvent que la pandémie ne suit pas cette direction, tout comme au Brésil ou des malades se sont retrouvés agonisant devant les hôpitaux par manque de place en réanimation… C’est peut-être ce qui nous attend en Guyane, hélas…
« Devant vous il y a une équipe de la République »
Devant moi je vois surtout, au minimum, 30 000€ mensuel de salaire, plutôt 35 000€ d’ailleurs !
Alors non non, pas que je fasse une fixation sur le montant du salaire ; il est bien normal que l’on ait un salaire en proportion, en relation avec ses aptitudes, surtout ses compétences, ses résultats…
Mais force est de constater que le salaire mensuel d’un haut fonctionnaire est inversement proportionnel à son autorité, ses capacités, ses compétences, son action.
Ne dit on pas qu’il n’y a que le résultat qui compte.
L’adage attribué à Clemenceau dit que les fonxi sont comme les livres des bibliothèques : plus ils sont haut placés, moins on s’en sert… (ou l’inverse :-)
Ce dernier développement de cette « gestion » de ce covid en devient épuisant. C’est la copie conforme de la « politik du foncier » et de ses vomis. Au moins la plèbe s’en rend compte… La caricature devient une abomination. Non, ce pays est foutu.