Alors que la crise hydrologique s’inscrit dans la durée, les ponts aériens mis en place par la Collectivité territoriale de Guyane et les services de l’Etat doivent encore monter en cadence pour pallier l’impossibilité de naviguer sur les fleuves guyanais. Outre les denrées alimentaires, des bouteilles de gaz et du carburant seront livrés dans les prochains jours. Avec comme enjeu l’encadrement des prix de ces denrées devenues rares.
Un dédale de roches. Depuis plusieurs jours, des images saisissantes du fleuve Maroni quasiment asséché à Grand-Santi ou plus haut en amont de Maripasoula nous parviennent et permettent de mieux saisir le sens de la crise hydrologique qui frappe actuellement la Guyane.
Alors que l’étiage des fleuves se poursuit et que la sécheresse s’inscrit dans la durée, les difficultés de transport et de logistique se sont accrues. Illustration entre Taluen et Antécume-Pata sur le Haut-Maroni où il faut désormais compter une journée de transport pour rallier les deux villages amérindiens, contre 1h30 de pirogue en temps normal.
« Des pirogues traversent le fleuve, mais plus aucune ne remonte les sauts. La route a disparu » illustre le préfet Antoine Poussier, qui s’est rendu jeudi et vendredi derniers sur l’Oyapock et le Maroni. Sur place, les habitants des communes isolées ont fait remonter plusieurs doléances au représentant de l’État, notamment la livraison de cartouches pour la chasse dans les écarts du Haut-Maroni et à Trois-Sauts où la pêche vivrière n’est plus possible.
« Sur le Maroni, une des demandes qui revient beaucoup, c’est le gaz. Car il n’y a plus de bouteilles disponibles ou à des tarifs dépassant les 100 euros » ajoute Antoine Poussier.
Dès ce mardi 19 novembre, un premier vol militaire va acheminer à Maripasoula une centaine de bouteilles de gaz commandées par des commerçants. Le préfet nous a annoncé lundi prendre un arrêté afin que ces bombonnes soient vendues à un prix (30 euros les 12,5kg) « proche de celui du littoral« . Par ailleurs, pour limiter le risque de pénurie, les magasins ne seront autorisés à vendre qu’une bouteille par famille et deux bouteilles par restaurant d’ici à la fin du mois. « Le respect de cette tarification et du quota de vente feront l’objet de contrôles réguliers » indique la préfecture.
D’autres livraisons de gaz sont programmées, notamment vers Grand-Santi et Papaïchton, « afin de retrouver des bouteilles de gaz à un prix raisonnable« .
Jusqu’ici, seules des denrées de première nécessité avaient été livrées dans les communes isolées depuis la mise en place du plan Orsec et des ponts aériens de l’armée et de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) qui a presque doublé ses capacités de fret aérien en portant à 20 tonnes par semaine les volumes transportables par Guyane Air Fly, la compagnie détenant la délégation de service public pour les dessertes vers les communes isolées.
« Passer la phase de rodage »
La logistique sur ces biens va se poursuivre et doit même « monter en charge » insiste le représentant de l’État en Guyane. « C’est l’enjeu de la semaine prochaine avec la signature des premières conventions de la CTG. »
Ces conventions évoquées par le préfet sont mises en place par la Collectivité territoriale de Guyane avec les commerçants des communes isolées, afin d’encadrer les prix des denrées qui explosent depuis que le transport fluvial, mode de ravitaillement le plus économique, est compliqué voire impossible.
En échange d’une prise en charge par la CTG des frais de transport aérien, les commerçants signataires s’engagent en contrepartie à vendre leurs produits à des tarifs modérés. Un commerçant qui a accepté de signer les conventions bénéficiera ainsi d’un tarif de fret de 50 centimes par kg, correspondant aux frais du gestionnaire GSAF, entreprise spécialisée dans la logistique.
Ces mesures ont été actées par les élus de la CTG le 7 novembre dernier lors d’une assemblée plénière extraordinaire. Les premières conventions « doivent être signées très bientôt » indique le préfet, qui compte sur ces dernières pour répondre aux besoins des habitants des communes de l’Intérieur.
« L’enjeu de cette semaine est de passer la phase de rodage. Sur le gaz, nous avons besoin de systématiser les livraisons. Sur l’alimentaire, on l’a déjà fait, mais je pense que des besoins ne sont pas encore satisfaits, car les gens hésitaient à passer des commandes. Cette semaine, l’objectif est de s’inscrire dans la durée et de pouvoir se projeter jusqu’à début décembre« , date espérée du retour de la pluie.
La semaine dernière, 20 tonnes de fret ont été acheminées par Guyane Air Fly et 25 tonnes par l’armée, en Casa. « On peut monter quasiment à 100 tonnes par semaine » précise le préfet sur les capacités militaires. L’armée va d’ailleurs livrer la semaine prochaine des futs de pétrole pour les centrales électriques de Maripasoula et Papaïchton.
Jusqu’ici, les livraisons sont effectuées par hélicoptère par l’électricien – les deux centrales avalent 8 tonnes de carburant par jour – « mais la marge en stock est de deux à trois jours de consommation« . L’approvisionnement en Casa permettra à EDF de dégager des marges en accroissant les stocks de carburant « pour avoir une semaine de réserve » souligne Antoine Poussier. « Il faut qu’on tienne sur la durée.«
Photo de Une : via les ponts aériens de la CTG et de l’armée, près de 45 tonnes de fret ont été acheminées par les airs aux communes isolées la semaine dernière © Etat major des armées
1 commentaires
Dire que le préfet a sous le coude, une étude d’experts du Génie Français qui ont planché sur la future piste d’Apatou-Maripasoula…que Paris l’empêche de diffuser. Et en attendant la révélation de cette petite lueur d’espoir de la rationalité logistique, le voilà donc réduit à transporter des bouteilles de gaz par avion et des écoliers en hélicos…Ça devient un peu surréaliste ce psychodrame de l’enclavement.