Chavirage d’une pirogue à Grand-Santi : les quatre corps des enfants portés disparus ont été retrouvés
Suite au chavirage d’une pirogue qui circulait sur le Maroni, samedi, à hauteur de la commune de Grand-Santi, quatre enfants étaient portés disparus. Trois corps ont été retrouvés dimanche et le quatrième ce lundi après-midi confirme la gendarmerie. Tous appartenaient à une même fratrie. Une enquête pour homicide involontaire a été ouverte par le parquet de Cayenne pour faire la lumière sur les circonstances de l’accident mortel. L’accident de navigation est survenu samedi après-midi mais les autorités n’en ont été informées qu’en début de soirée : une pirogue-taxi a chaviré sur le Maroni à hauteur de la commune de Grand-Santi,…
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12 commentaires
La route serait un mode de transport plus sécurisé ? Il serait intéressant d’evaluer statistiquement ce risque mais de prime abord, le routier chez nous est tout de même tres tres accidentogene. Une route du fleuve -qui sera forcément mal entretenue en plus- sera avec une certitude absolue bien plus dangeureuse que l’aérien et sous réserve d’analyses statistiques, probablement plus que la pirogue. Dommage que certains s’empressent avant même que tous les disparus soient retrouvés à faire leur propagande.
On ne sera jamais d’accord Morvandiau (d’ailleurs un peu facille d’écrire en se cachant derrière un pseudo). Moi je pense d’abord aux parents qui ont perdu des enfants, et je pleure. Et vous, vous parlez statistiques. Par ailleurs, faites vous partie des 35000 guyanais(e)s, bloquées à l’arrière pays, parce que plus d’avion et le fleuve Maroni au plus bas ?. Bien sûr qu’il faut une route et il.y a longtemps qu’on aurait dû mettre en.oeuvre ce gigantesque chantier, qui donnerait du travail. Et une route bien conçue et avec toutes les normes d’une Route Nationale et pas une « piste goudronnée », comme la « RN » 2 . Et une route peut attirer des commerces, des services, des structures touristiques, d’hébergement, etc…Le tout c’est de l’imaginer, de la concevoir d’une manière « eco-responsable », d’être ambitieux et volontaire auprès de Paris. Nos amis antillais savent aller taper du poing sur la table dans les ministères. Nous on se contente d’aller pleurer alors que par ailleurs nous lançons (enfin nous lancions) des satellites . Qui s’est offusqué ou insurgé des conséquences de la faillite d’Air Guyane (qui était de plus prévisible). Qui a anticipé ?. Non, on dirait que les guyanais de l’intérieur sont des citoyens de seconde zone. Et bientôt on va entendre « Ah non, surtout pas de route le long du Maroni ! Ça va détruire la forêt ! » Et probablement que la personne que j’ai citée au debut de mon post en fera partie. Francis Tritsch
Pourriez-vous, pour la compréhension de ce drame, nous expliquer comment une pirogue qui se rendait de Maripasoula à Saint-Laurent-du-Maroni, donc qui « descendait » le fleuve, a-t-elle pu chavirer alors qu’elle « remontait » le saut Poli Goudou ? Merci
Morvandiau a raison de dire que l’accidentologie comparative n’est pas d’emblée le bon argument pour imposer l’idée d’une route. Cependant il y a aussi eu des cas où la contrainte d’un trajet en pirogue constituait une situtation de mise en danger (quasiement institutionnalisée) assez peu acceptable et frappant en tout cas les esprits, comme par exemple le décès de cette jeune femme enceinte en 2020, suite à un chavirage de pirogue.
« La jeune femme était à bord d’une pirogue qui a chaviré non loin d’Apatou à hauteur du village de Providence. L’embarcation venait de Grand Santi et avait été affrétée par le Centre de santé de la commune pour transporter des patients vers le Centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni. Une opération habituelle, chaque semaine deux embarcations de ce type convoient des patients vers Saint-Laurent. »
(Guyane première – Marie-Claude Thébia/Myriam Boicoulin • Publié le 5 novembre 2020)
Une femme enceinte de huit mois (ainsi que d’autres patients) pour un trajet en pirogue Grand-Santi / Apatou…pour peu qu’une ambulance vienne l’y récupérer, c’est déjà en soi une mise en danger de la vie d’autrui qu’il n’est j’espère pas nécéssaire d’expliquer. Pour qu’une institution de santé publique, un centre de santé en principe sous le contrôle de l’ARS, se résolve à une telle mise en danger objective de ses patients…C’est on s’en doute parce que le transport aérien (avion, ou hélico) n’était pas envisageable pour x raisons. Face à un tel exemple, difficile de ne pas se mettre à la place des habitants du fleuve qui estiment désormais que l’enclavement crée des situations de mise en danger inacceptable, au regard de ce qui est la norme sur le littoral. Et à mon avis, c’est notamment cette perte totale de confiance sur la fiabilité du transport aérien (l’Etat pour l’aérien sanitaire, la CTG pour l’aérien courant) qui à la longue a contribué à faire émerger chez beaucoup d’entre eux, l’exigence d’un désenclavement routier. Cela, et évidemment un souci d’égalité citoyenne par rapport aux normes du littoral, de plus en plus affirmé. Les réactions face à ce drame sont donc aussi à relativiser, à l’aune de ce contexte et de cette réclamation légitime…
@Bello973 La jeune femme enceinte ne portait pas de gilet de sauvetage. Tout comme la majorité des occupants des pirogues sur les fleuves et rivières de Guyane. La litanie des faits divers démontre que la quasi totalité des accidents de pirogue pourraient avoir des conséquences moins funestes si les gilets étaient portés. Ils y aurait des blessés, des traumatismes, mais même inconscients, les personnes qui tombent à l’eau seraient maintenue la tête hors de l’eau. Cela faciliterait également les recherches pour les secours. On retrouve un peu le même problème avec les draisiennes et trottinettes électriques : les utilisateurs portent rarement des casques car ils jugent, comme pour la pirogue, que le moyen de transport est « peu dangereux ». Ce sont les mêmes qui mettent leur ceinture de sécurité en voiture, car ils considèrent ce mode de transport comme « dangereux ». Le RPP recommande pourtant que les occupants d’une embarcation portent un gilet de sauvetage à tout moment. Un peu de pédagogie, semble-t-il, pourrait réduire drastiquement l’accidentologie.
@Franck973 Attention, une route en Guyane n’implique pas les mêmes efforts de construction et ingénierie qu’une route dans l’hexagone. Les moyens disponible à son entretien non plus. La route de Kaw, gérée par la CTG, comme la future route du fleuve, en est un exemple éloquent : c’est aussi la voie d’accès à l’un des sites touristiques les plus fréquentés de Guyane… La question environnementale n’est pas la seule. La présence d’une route va accélérer et faciliter la déforestation sauvage, les trafics en tout genre, la logistique de l’orpaillage illégal, les allers et venues de délinquants, etc. Toutes ces questions doivent être soupesées par les élus, les ingénieurs, la population, dans « un choix éclairé » avant de prendre une décision. Je ne suis pas certains que les habitants de Saül voient l’arrivée de la route d’un bon œil.
Certes, l’aménagement des voies navigables se heurte au refus d’aménagement des sauts, mais une réflexion sur des passages de contournement à terre, comme ce le fut auparvant sur certains gros sauts (La voie decauville de Saut Maripa est la plus connue) pourraient être des pistes de réflexion, au sein d’un bouquet d’offre de transport à la hauteur des enjeux sociétaux et environnementaux de la Guyane du XXIe siècle.
@Maju
Bien d’accord avec vous, la route du fleuve sera une pénétrante, avec toutes les conséquences que cela implique.
Le transport de marchandises par pirogue pourrait bien disparaitre à la faveur du transport par camion qui sera soumis à plus d’aléas que par la voie fluviale.
Le transport de passager se fera tout naturellement par taxicos qui rouleront à tombeau ouvert, dégradation rapide de la chaussée, augmentation des accidents meurtriers. La CTG s’empressera ensuite d’arrêter le subventionnement de l’aérien : les billets deviendrons inabordables pour la majorité des voyageurs, abandon progressif des rotations par manque de rentabilité. Résultat : se rendre à Cayenne ou St Laurent depuis Maripasoula risque d’être limité au transport collectif ou individuel routier, avec un rapport cout/durée du transport/confort mauvais comparé à l’avion. Ensuite, il se passera à Maripasoula (ou Saul ou Camopi) la même chose qu’à St Georges quand il y a eu la route : fermeture des aérodromes, une charge financière en moins pour la CTG qu’elle justifiera par les coût d’entretiens démentiels de la route de l’intérieur, qu’elle ne parviendra d’ailleurs jamais à maintenir dans un état satisfaisant.
La route peut donc au final créer un d’enclavement bien pire pour ces populations. Au bout du compte, beaucoup d’habitants du fleuve pourraient même choisir d’abandonner la vie « enclavée » en s’installant sur le littoral, à Saint Laurent notamment, comme on l’observe d’ailleurs depuis l’ouverture de la route d’Apatou. Par contre, la route restera très fréquentée par les acteurs de l’extractivisme et de l’exploitation forestière, légaux comme illégaux.
Bref, l’ouverture d’une route pénétrante aura sans aucun doute d’immense répercussions tant environnementales que sociétales, qui seront irréversibles. Il sera donc très important d’informer au préalable les populations concernées afin d’obtenir un avis libre et éclairé.
@Maju
Si les institutions sanitaires (ARS) ne s’assurent pas que les pirogues affrétées par les centres de santé, respectent les conditions minimales de sécurité, il me semble que c’est plutôt un facteur aggravant. En outre, je me répète, mais faire transporter des patients et des femmes enceintes par pirogues, pendant plus de huit heures. C’est de la prise en charge digne du moyen-âge…
D’ailleurs il me semble que le choses bougent sur ce point au niveau de l’ARS, tant cette situation est honteuse. Un avion sanitaire est même annoncé pour 2026… Malheureusement on sait aussi ce que valent ce genre de promesses localement. Mais bon, wait and see…
« Le transport de marchandises par pirogue pourrait bien disparaitre à la faveur du transport par camion qui sera soumis à plus d’aléas que par la voie fluviale. »
Tu pipeautes Morvandiau… Même les sociétés de transport par pirogue, qui n’ont aucun absolument intérrêt à tuer leur business, dépeignent une situtation chaotique:
« Il est navigable, mais avec beaucoup de difficultés et d’organisation. On est obligé de prendre moins de charges, de prendre des moyennes, voire des petites pirogues. Aussi, on est obligé de dépoter les pirogues et de les recharger dans les sauts, c’est-à-dire qu’on enlève toute la marchandise de la pirogue, on transvase tout ça dans une autre pirogue, une fois qu’on dépasse le saut, on recharge la pirogue, la petite pirogue reste là, et on repart. Ça prend beaucoup de temps, c’est la raison pour laquelle aujourd’hui, il faut compter 3 ou 4 jours pour un départ de Saint-Laurent, arrivée à Maripasoula, par exemple ». (AKM transport – Radio Péyi – octobre 2023)
« Tout ce qui est pirogues jumelées, manitou, pelles, tout ce qui est trop lourd, non. Jusqu’à la semaine dernière, on pouvait porter jusqu’à 5 tonnes, aujourd’hui, on est à 3 tonnes. La vie est devenue beaucoup plus chère, parce que là où on aurait pu emmener tout en une seule fois, on sera obligé de transporter pour le même client, en deux ou 3 fois les produits qu’ils demandent. Actuellement, je suis à Maripasoula, il n’y a plus grand-chose dans les commerces ». (AKM transport – Radio Péyi – octobre 2023)
Gonflé dés lors, de prétendre que le transport par la route sera soumis à plus d’aléas… L’entretien d’une route se planifie, pas les conditions de navigabilité sur le fleuve. Cette année en a encore fait la démonstration.
Et quid du transport de matières dangereuses, tels les futs de carburants transportés par pirogue, sur un fleuve officiellement non navigable?
https://monewsguyane.com/wp-content/uploads/2022/08/My-project-1-e1661288563969.jpg
Sans oublier la logistique infernale pour l’armée, déjà bien assez à la ramasse dans sa mission de protection du territoire dans le sud, et qui doit en plus organiser le va-et-vient régulier de ses camions sur le fleuve, pour en assurer la réparation ou la maintenance… Plutôt moyenâgeux. Et d’ailleurs, si la BOA de Maripasoula est aussi ridicule au regard des enjeux de protection du territoire, on se doute bien que c’est parce qu’elle n’est pas reliée au littoral par une route permettant de la développer correctement…
https://www.defense.gouv.fr/en/node/4890
« Il sera donc très important d’informer au préalable les populations concernées afin d’obtenir un avis libre et éclairé. »
En tout cas, suite aux réunions de concertation menées à l’époque (2019) dans le cadre du fameux projet d’aménagement des sauts, la DEAL concluait dans sont rapport officiel:
« Une forte demande de construction de la route du fleuve.
La construction de la route du fleuve reliant Apatou à Maripasoula a été un sujet récurrent au cours des réunions de concertation. Le projet d’aménagement des sauts a été interprété, par certains participants, comme une volonté de l’État de ne pas construire cette route. La DEAL a expliqué à plusieurs reprises que la construction de cette route relevait de la compétence de la CTG. » (DEAL 2019 – CONCERTATION PRÉALABLE PROJET D’AMÉLIORATION DU FRANCHISSEMENT DES SAUTS SUR LE LAWA ET LE MARONI)
Depuis, il y a eu l’épisode de la faillite d’air Guyane, et surtout la société civile (collectif Apachi) qui s’est emparé du sujet. La classe politique locale ne pouvant visiblement que s’aligner… Serville, qui lui a une petite idée du budget, aura bien tenté de vendre sa solution alternative de transport par dirigeables (qui répondrait en effet sur le papier aux enjeux sur le fret lourd) pour tenter d’y échapper…Mais pour le moment rien y fait.
Qui plus est, les associations environnementales locales (WWF, Mayouri Nature, GNE) ne se sont encore jamais clairement positionnées contre cette idée de route, tant il n’est on le comprend pas si aisé d’adopter une posture paternaliste, de privilégiés du littoral faisant la leçon aux enclavés, sur leur bon ou leur mauvais désenclavement… N’est pas Morvandiau qui veut. Pour ces associations et ONG écologistes, soucieuses de quelque bienséance politique, difficile de faire publiquement passer tous les concitoyens du Maroni qui réclament cette route, pour de simples complotistes extractivistes, qu’il faudrait maintenir à l’isolement pour leur bien, et contre leurs propres travers.
Au final, le seul avis libre et éclairé connu en démocratie, c’est celui du bulletin de vote. Pour que cette route se fasse, il faudra qu’elle devienne un gros enjeu électoral…Et à mon avis c’est déjà bien partir pour.
@Bello973
La pirogue était en bon état et présentait les équipements de sécurité recommandés. Le pirogier disposait, de memoire, d’une accréditation pour le transport de passagers (ce qui n’était pas le cas dans le drame survenu cette semaine d’après ce que j’ai lu) et les gilets étaient en nombre suffisant. Mais ils sont souvent utilisés comme coussin. Et cela, l’Ars ne peut pas le vérifie ; c’est de la responsabilité du piroguier et en dernier ressort du passager.
Combien de fois ai-je vu des pirogues remplies de passagers sans aucun gilet sur les passages de sauts. Reconnaissons qu’ils ne sont pas pratiques et que l’utilisation comme coussin est plus agréable pour de long trajet. Reconnaissons également que les modèles auto-gonflants sont bien trop chers en Guyane (coucou l’octroi de mer) pour que leur utilisation se généralise.
Pour des voyageurs lambda, le transport en pirogue ne pose effectivement pas de problème de sécurité en soi si les conditions de sécurités sont respectées… Sauf pour les évacuations sanitaires. Même avec des gilets de sauvetages adaptés à la morphologie d’une femme enceinte, si toutefois ça existe…On ne met pas une femme à huit mois de grossesse sur une pirogue pour un trajet de plus de huit heures…C’est médicalement proscrit. Idem pour des patients en principe. Outre les conditions de remous et clapotements contre-indiquées, sur un temps très prolongé, une femme enceinte ou un malade sont par définition diminués, s’il faut faire face à une situation de danger, telle que réussir que cela arrive suite à un chavirage. Dans une ambulance, sur une route entretenue, ce risque est beaucoup plus limité et dans ce mode de transport par définition médicalisé, le patient est plus en sécurité en cas d’imprévu lié à sa santé (malaise). L’absence de route contraint donc déontologiquement les services de l’Etat à une logistique lourdes pour les évasans aériennes, celles-ci n’étant pas encore 100% opérationnelles, puisqu’un avion médicalisé pour l’intérieur est annoncé pour 2026 par l’ARS… Bref, ce qu’il faut retenir c’est que les evasans en pirogue, c’est le moyen-âge et ça doit disparaître. Personne ne peut décemment justifier ce mode d’évacuation sanitaire archaïque. Mais, si comme on peut hélas s’y attendre, le déploiement et la systématisation des évasans aériennes posent à l’avenir problème…Ne restera plus alors sur ce sujet, qu’une solution cohérente. Ce qui fera un argument de plus pour la route. D’ordinaire ces évasans sont réservées aux urgences…Là l’Etat se contraint à une systématisation du transports aériens médicalisés pour des patients pouvant d’ordinaire circuler en ambulance… Avec ce que cela implique en terme d’équipement logistique pour accueillir un hélico sur tous les centres de santé isolés. Plus ce flux de patients augmentera avec l’accroissement démographique, plus le bien-fondé du modèle économique sous-jacent de cette logistique sanitaire aérienne posera question, au regard de ce qui se fait ailleurs.
Et cela vaut pour d’autre sujet, le transports de matières dangereuses (30 000m3 de carburant transitant aujourd’hui sur des pirogues sur un fleuve non aménagé), le transport de matériaux pour la construction…Là c’est la CTG qui se mange un surcoût pharaonique pour son Lycée à Maripasoula, demain ce sera l’Etat pour certains équipements régaliens devenus indispensables par rapport à la démographie. Il faudra un jour construire un commissariat à Maripasoula. Or, le fiasco (coût apparement multiplié par 3) symptomatique du tronçon de 32km entre Maripasoula et Papaïchton, démontre bien que l’Etat est déjà à la ramasse s’agissant de la planification/évaluation du financement de la moindre de ses infrastructures dans le Sud, où les bulldozers s’acheminent par pirogues. Je ne parle même pas de sa logistique militaire en mode bivouac sur la boa de Maripasoula, en plein milieu de la zone la plus stratégique à défendre, face à l’orpaillage illégal que l’on nous annonce plus intense encore… Affronter tous ces défis en infrastructures lourdes, sans une route? A un moment il faut arrêter de faire l’autruche, ça ne tient justement pas la route. Sachant que ce surcoût lié au contexte d’enclavement ne concerne pas que les institutions, les habitants le subissant eux aussi de plein fouet. Construire une maison à Maripasoula c’est beaucoup plus cher que sur le littoral, c’est surtout cela qui fera fuir les nouvelles générations vers la côte, en plus du chômage, si ce bassin de vie reste à ce point enclavé et délaissé par la puissance publique.
Il est parfaitement légitime, et pertinent d’estimer qu’une route laissée sans aucun contrôle pourrait faciliter la vie aux orpailleurs illégaux, ou autres. L’ennui de cet argument, c’est qu’il repose fondamentalement sur le fait de prendre pour acquis que l’action publique, régalienne en l’occurrence, serait par définition incapable de contrôler correctement cette route et ce qui se passe autour. Exactement comme on peut en avoir l’illustration au Suriname, ce quasi narco-Etat (jusqu’à récemment en tout cas) gangréné par la corruption.
En gros, en Guyane on a tellement intériorisé le principe de défaillance, voir même d’abandon de l’action régalienne, que cela en devient en effet un argument sous-jacent, qui fatalement entérine, accepte, et donc cautionne cette défaillance. Or, même si elle se montre encore faible et inconsistante s’agissant de la lutte efficace contre l’orpaillage clandestin, il ne faut quand même pas désespérer à ce point de la capacité de notre grande nation, à se ressaisir en terme de souveraineté sur son propre territoire… Sinon, à quoi bon, car l’orpaillage illégal c’est déjà 600ha de déforestation par an (source CNRS) actuellement sans aucune route pour aider qui que ce soit. Le pari c’est donc de dire qu’une telle route (qui n’est géographiquement pas une « pénétrante » territoriale tant qu’elle longe le fleuve et la frontière) permettra aussi à l’Etat, sur cet autre aspect, de prendre enfin sérieusement pied à Maripasoula.’Dans une zone frontalière sensible pour la défense du territoire, face à l’invasion des garimperos et quelques locaux néfastes qui les accompagnent sans doute dans cette atteinte à l’environnement. La BOA de Maripasoula, un carré de 100x100m pouvant accueillir 50 marsouins au max, en permanence. Soit à peine 5% de l’effectif du 9e Rima (850 hommes) principal acteur de cette lutte essentiellement cantonné sur le litoral. Il est là le mal profond de cette défaite qui dure depuis trente ans. Quand cette base accueillera 500 hommes en permanence, soit 60% de l’effectif du régiment… forcément que tout sera différent en terme de capacité de contrôle et de défense du territoire. Mais pour arriver à cela, même les militaires ont besoin d’une route. L’idée d’un pont aérien permanent pour faire fonctionner une telle structure régalienne efficace, dans notre contexte logistico-économique, serait un pur mirage.
Reste qu’il faut quand même lâcher beaucoup de ronds pour un tel ouvrage que personne ne sait encore réellement chiffrer. Ni l’Etat ni la CTG. Et Macron à déjà dit que ce ne sera pas lui le père-Noël pour cette route. Le dernier cadeau de l’Etat fait aux réunionnais pour leur nouvelle route du littoral (NRL) en mode viaduc, longue de 12,3 km, c’est presque 1 Md€, sur un coût final réévalué de 2,5 Md€ (Cour des comptes). Soit 40% du financement. Pour la route du fleuve Apatou-Papaïchton, il a été évoqué 800M€ de travaux pour environ 200km (145km vol d’oiseau + contournements). Mais personne n’en est certain. Vu l’incertitude de tracé, ça pourrait aussi bien être 1Md€, ou plus. D’autant que la CTG qui en récupérerait la gestion et l’entretien, n’a aucun intérêt à commettre à nouveau l’erreur de la route d’Apatou, en mégotant sur la qualité des infrastructures et donc sur leur coût. Mais disons 1 Md€ pour faire simple, soit une participation de l’Etat à 400M€ si il est aussi généreux avec nous qu’avec les réunionnais (en pourcentage s’entend). C’est beaucoup et c’est peu…Donc ça se fera. L’Etat au travers de l’AFIT, finance 1Md€ d’infrastructures routières en France chaque année. 400M€ pour cette route en Guyane, répartis sur 2 ou 3 années, c’est tout à fait jouable. D’autant que le soumaké n’atterrît pas du tout au fond d’un puit perdu de garimpeiros… Les gros groupes nationaux: Vinci (la NRL de la Réunion c’est eux) ou Eiffage, et leurs lobbyistes, raffolent donc de ce genre d’investissement publics. Reste que le moteur de tout cela c’est la décision politique de la CTG… Et là, encore une fois, ça commence aussi à être un peu plié, le poids électoral grandissant des élus et populations de l’Ouest aidant…En gros les planètes s’alignent. Et une fois la route faite, absolument plus aucune excuse pour justifier la base opérationnelle avancée de 50 pelés en mode bivouac… Une vraie lutte efficace, contre l’atteinte au territoire et son environnement pourra enfin débuter.