C’est un décret d’application que l’on n’attendait plus. Publié ce dimanche 4 février 2018 au Journal officiel, le décret n°2018-62 entérine le transfert de compétences en matière de titres miniers en mer aux collectivités territoriales d’outre-mer, prévu par une loi de l’an 2000.
Ce transfert de compétence était prévu par la loi d’orientation pour l’outre-mer adoptée il y a plus de 17 ans, le 13 décembre 2000. Mais l’État tardait à en publier les décrets d’application, au point qu’en 2012, la région Guyane avait saisi le Conseil d’État pour que la loi de 2000 soit appliquée, alors que les recherches d’hydrocarbures se précisaient aux larges des côtes guyanaises. Dans un communiqué de la CTG diffusé hier, son président Rodolphe Alexandre « se félicite de ce qu’il faut considérer comme une victoire dans une bataille juridique commencée en 2012 ».
Le Conseil d’État avait enjoint le premier ministre à publier les décrets d’application dans un arrêt du 17 octobre 2014, puis de nouveau dans un arrêt de juillet 2016 fixant à 5000 euros l’astreinte journalière due par l’Etat jusqu’à publication du texte (voir Guyaweb du 30/07/2016 : Le Conseil d’État somme le gouvernement de décréter enfin la compétence de la collectivité guyanaise en matière de titres miniers offshore ! ) « Le montant […] dépasse aujourd’hui les 1,8 millions d’euros et a fait l’objet d’une demande de liquidation au profit de la Collectivité Territoriale de Guyane » déclare aujourd’hui la CTG.
Guyane Maritime
Bien que la loi Hulot sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures ait été votée entretemps, le permis de recherche offshore, dit Guyane Maritime, détenu par Total pourra se transformer en permis d’exploitation si le groupe minier en fait la demande (voir Guyaweb du 20/09/2017 : Les eaux troubles du pétrole guyanais). Ce permis de recherche a par ailleurs obtenu une prolongation pour « circonstances exceptionnelles » en septembre 2017 (voir Guyaweb du 21/09/2017 : Le permis pétrolier Total prolongé).
La CTG qualifie cette prolongation d’« acte positif mais reste insuffisante. Elle doit se traduire impérativement par la délivrance du permis de forer qui est l’enjeu concret immédiat » … et dont le choix revient désormais à la CTG. Cette dernière « tient à préciser de nouveau l’engagement renouvelé de Total de mobiliser à ses côtés 10M€ au profit de l’économie guyanaise dans le cadre d’un plan de refonte du capital investissement ambitieux au service des entreprises. » La collectivité ajoute que « ce plan aura un volet tout particulier sur la pêche, l’objet d’une stratégie de filière globale portée par la Collectivité depuis le combat auprès des autorités européennes pour permettre le financement d’une flottille modernisée. »
Loi Hulot
La loi Hulot prévoyant la fin de l’exploitation de gisements d’hydrocarbures, outre-mer inclus malgré une tentative avortée du Sénat de faire adopter une exception ultramarine (voir Guyaweb du 20/12/2017 : La loi hydrocarbures finalement adoptée) limite la possibilité d’autres exploitations en Guyane.
Toutefois, une incertitude persiste sur les demandes de permis Guyane Maritime Udo et Guyane Maritime Shelf. En mars 2017, le tribunal administratif de Cayenne donnait gain de cause aux compagnies pétrolières Total, Esso et SAS Hardman Petroleum qui attaquaient l’Etat pour non réponse à leur demande de permis de recherche. L’une des trois compagnies, SAS Hardman Petroleum, ayant inclus dans ses requêtes la demande d’attribution du permis, le tribunal administratif enjoignait l’État à lui délivrer ce permis. Pour les deux autres, l’Etat devait reconsidérer leur demande.
Le transfert effectif des compétences d’octroi des permis à la CTG rebat-il les cartes pour ces demandes et notamment celle de la SAS Hardman Petroleum ? Le décret publié dimanche au JO « s’applique aux demandes présentées à compter de ce jour ainsi qu’aux demandes présentées avant son entrée en vigueur et dont l’instruction est en cours à cette date, ainsi qu’à leurs demandes concurrentes ».
« La portée et les retombées de cette publication sont actuellement en cours d’analyse par les équipes de la Collectivité Territoriale de Guyane, immédiatement mobilisées » déclarait la CTG suite à la publication du décret.
5 commentaires
Hum, ça sent les bons pots de vin et la corruption à l’Africaine des compagnies pétrolières des administrations déjà bien corrompues. Quad on voit les magouilles à tous les étages qu’on doit déjà subir, ça donne la nausée.
je deviens vraiment inquiet pour les eaux maritimes de Guyane – d’une part TOTAL qui essaie de forer dans les eaux voisines de l’Amapa, d’autre part TOTAL qui va forer probablement au large de Regina …. Amis pêcheurs, ne vous laissez pas entuber !
« L’engagement renouvelé de Total de mobiliser à ses côtés 10M€ au profit de l’économie guyanaise dans le cadre d’un plan de refonte du capital investissement ambitieux au service des entreprises. Ce plan aura un volet tout particulier sur la pêche ».
Manifestement, Total continue d’exceller dans le domaine des lubrifiants.
De toutes façons les pecheurs plaisanciers ils s’en fichent du fait de la fermeture prochaine de la cale de mise à l’eau de Degrad des Cannes. Ils ont prévu de les faire partir de la cale de Roura et le tour est joué, il y en aura moins en mer comme cela..
Comme pas hasard.
La législative partielle aura aussi pour sujet la place des multinationales de l’or et du pétrole en Guyane, lesquelles sont ouvertement représentées par le président de la Ctg.
L’enquête publique du projet Montagne d’or va démarrer.
Le timing choisi vise à essayer de redonner un peu de légitimité à R. Alexandre. Bien vaine tentative.
Mais on ne peut que se désoler de voir tomber une compétence aussi importante dans de si mauvaises mains.